Aurélien, père des Grandes Invasions ?

(digard 45)  montre un bronze étrusque: "Archer parthe décochant ses flèches", un cavalier se retournant, avec arc à double courbure. Le malheur, c’est que si les Parthes arrivent dans l'Histoire en  ~247, l'ultime ville étrusque, Véies, tombe en ~396. A défaut de Parthes, les Etrusques connaissaient les Scythes: Si l’on trouve des traces de leur commerce en Bourgogne, Thuringe ou Suède, a fortiori, il leur était encore plus aisé de descendre la Drave vers le Danube[1] avec leurs amphores de vin. Or des kourganes scythes sont attestés (AH 17) au confluent. Ces nomades eurasiatiques avaient des relations, guerre ou commerce, en tous cas  échanges, avec Chine, Celtes, Ionie. Sur la foi de cette statuette, d'une épée gauloise au centre de l'Inde, de son imitation en Chine, de vestiges gréco-scythes et autres traces "aberrantes", je déduis que le début de l'âge du Fer fut la fin d'un ensemble de vastes contacts intercontinentaux, qui peut seul expliquer la diffusion du bronze, de l'étain et de théories métaphysiques bien au-delà de leurs lieux d'origine. Mais quels ouvrages  (bibby passim)  y font seulement allusion  ?

 

tolérance parthe = prospérité

Vers  ~247, une tribu indo-européenne de cavaliers centre-asiatiques, les Parthes ou Aparniens, venue de Parthiène, entre Caspienne et mer d’Aral, s'empara de l'Hyrcanie (au SE de la Caspienne). Avec des "armes secrètes": Un petit, mais puissant, arc de corne à double courbure, d'une grande portée, l'arc scythe, plus maniable par un cavalier que le long arc "classique" des Assyriens. - Une tactique pour l'employer: fuite simulée qui éparpillait les poursuivants, suivie d'une brusque volte-face et de la célèbre "flèche du Parthe", si redoutée des Romains, vaincus en  ~53 à Carrhæ, terrorisés par d'immenses étendards de soie et sans doute plus encore par la cavalerie lourde des cataphractes cuirassés insensibles aux flèches ennemies, car leur armure en cuir était cousue d’écailles d’acier.

La vie sous les Parthes ne fut pas toujours rose, il y eut des séditions juives, des vols, des exactions, au point (AJ XVIII,12) que les Juifs se déplaçaient avec des escortes armées. Pourtant, Judéens ou Babyloniens, les Juifs eurent peu de frictions avec ces Parthes, qui évincent les Séleucides de Mésopotamie en  ~141.  (Ceux-ci se maintiendront en Syrie jusqu'à leur défaite par Pompée en ~64)

Détestés des Perses, car tolérants, les Parthes laissent le commerce se développer. (gagé 20) : "...ne touchèrent pas aux villes créées par les Gréco-Macédoniens ...qui avaient atteint un très haut degré de prospérité ... à condition de verser aux Parthes le tribut prévu". Ils tinrent longtemps les Romains en respect. Et accrurent la prospérité d'agriculture, artisanat et commerce, dans une grande tolérance ethnique, sexuelle et religieuse. (g. roux 352) parle d'un extraordinaire syncrétisme "dans lequel les dieux grecs, ...sont juxtaposés aux dieux d'Iran, d'Arabie, de Syrie et ...de Mésopotamie". Cette richesse fit celle de Rome, qui déclina dès leur éviction.  Pourtant les avides Romains les combattirent sans cesse. Ils ne purent les vaincre, mais, insulte suprême, les Parthes ne contre-attaquèrent qu’une seule fois, puis, victorieux, se retirèrent. (tardieu passim): Les Parthes ont accueilli aussi des "hérétiques" (nestoriens, syriaques, etc..) et les savants païens grecs et syriens persécutés qui nous ont transmis bien des savoirs de l’Antiquité. Tandis que Romains et Grecs, devenus “ chrétiens-terroristes ”, pillaient et brûlaient  bibliothèques, temples et synagogues, anathémisant et tuant d’autres chrétiens  pour un obscur désaccord grammatical.

 

Nabatéens

En Judée, Rome suscite révoltes et naissance de mouvements messianiques. Selon M. Derczansky, il y avait plus de 24 sectes avant 66. (Josèphe n'en cite que quatre) La vie était dure sous les Romains. Les Nabatéens en ont-ils profité ? Seuls non-Juifs à aider (1Mach 5,25) Judas Machabée contre Antiochus Epiphane, ces Arabes transportaient par dromadaires épices, encens et denrées précieuses entre Egypte et golfe Persique. Leur bienveillance dut leur valoir l'amitié des Juifs alexandrins, judéens et babyloniens, sans doute leurs associés, pour le plus grand profit de Rome. Trajan les annexe en 106 et ils disparaissent ensuite, semble-t'il. Laissant les générations futures admirer Pétra, leur nécropole du désert.

Cette annexion, certes pas la cause de la révolte juive de 115 –117, a dû ruiner des commerçants, juifs ou non, de Judée, Egypte et Cyrène. Les Juifs se révoltèrent maintes fois et auraient dû disparaître avec leur religion, comme tant de résistants contre Rome. Beaucoup fuient chez les Parthes. Aidés par Nabatéens, puis Palmyréniens ? Y découvrant un judaïsme de l'exil, sans Temple, sacrifices, lévites: le rabbanisme. Des héros clandestins, les Tanaïm, tentent, à Yabné en Galilée, de reconstituer de mémoire le culte aboli par la destruction du Temple. Aidés par les Juifs de "Babel", dont le Talmud Babli fait toujours autorité. En bonne part grâce à eux, le judaïsme put survivre, lorsqu'après plusieurs révoltes, Romains et chrétiens pourchassent les Judéens, surtout les plus instruits, comme ils le firent pour les Druides.

 

Palmyre prend la suite

Les Nabatéens hors-jeu, Palmyre atteint son apogée. L'antique Tadmor fut "un port de mer au milieu du désert". Ses caravanes joignaient Antioche à Doura-Europos, cité hellénistique sur l'Euphrate. Et propageaient la culture romano-hellénistique en Asie. Amie des Parthes, Palmyre agissait en alliée, non en vassale de Rome. (gage 136) "au temps où Rome a pour empereur un Décius ou un Valérien, ces chrétiens (des régions dominées par Palmyre) plaignent leurs frères soumis aux cruels édits des Césars". Les lois de Rome n'y étaient donc appliquées qu'au bon vouloir de Palmyre. (baron*2, 860) : Chrétiens et Juifs combattent ensemble en 245 les Sassanides au siège de Césarée de Cappadoce.  (gage 152) : Zénobie, (Septimia Bathzabbai, qui ne régna pourtant que de 266 à 272) "mit en avant un culte de tendance unitaire... si proche du Javeh d'Israël que M. Grégoire a pu parler d'une grande reine juive" (en 2002, Maurice sartre m'écrit qu'il s'agit d'une erreur de Grégoire) Elle fréquenta néo-platoniciens, chrétiens, manichéens.  (will 186) pense (moi aussi) qu'elle voulut, comme l'Empire gaulois de Tetricus, son contemporain, aider (par les armes et les idées) son meilleur client, l'Imperium défaillant, contre les dangers extérieurs.... et l'arrêt du commerce lointain.

Doura fut occupée en 163, puis abandonnée par les Romains en 260. (gage 100) : On y a trouvé église chrétienne, mithræum et une synagogue étrange, décorée, ce que prohibe la Tora, de fresques bibliques, avec des graffiti en caractères araméens mais en pehlevi, la langue des Sassanides qui n'occupèrent jamais la ville abandonnée, mais durent la visiter après son évacuation. Ce port fluvial recevait des marchandises descendant d'Arménie (bois, cuir, noix de galle...) ou montant du golfe Persique, où Palmyre avait son port particulier, Spasinou-Charax. Etrange port en un étrange paysage où ne poussaient que palmiers et roseaux..  heyerdahl: avec les roseaux du golfe, on "tressait" de grands navires affrontant écueils et tempêtes, qui, dès Sumer, allaient jusqu'à Ceylan et Melukha (les Sumériens appelaient ainsi le pays du delta de l'Indus, de Mohenjo-Daro et Harappa. Détail amusant, en hébreu, melukha c'est un royaume) 

(ib. 350)  pline VI  "évoque la quantité  impressionnante de marchandises transportées par les navires de son temps entre l'Egypte et Ceylan avec des liaisons jusqu'au pays des Sères. Il soulignait abondamment un point: les Egyptiens avaient appris aux Romains l'art de naviguer... Les Egyptiens, avec des navires à coques de roseaux... visitaient Ceylan, mais poursuivaient leur voyage... commerçant .. sur le Gange".

      Palmyre, entre Parthes et Romains, ne se bornait ni au commerce maritime, ni au passage de réfugiés. (bussagli 290, 297): des motifs et une influence artistique palmyrénienne sont notés en Sérinde. (ibidem 298 à 307) : Les fresques de Mirān, "non loin du Lob Nor, à environ 300 km de Dun-Huang, le grand centre chinois d'où partaient les caravanes qui se dirigeaient vers l'Inde, l'Iran et les ports méditerranéens de l'Asie Mineure" Une des fresques (ibidem 307) "évoque de fortes réminiscences du portrait palmyrénien dans ses vêtements, sa coiffure et les traits de son visage". A l'exposition de 2000 sur les fouilles françaises du  désert de Taklamakan, en Chine occidentale, dans la vallée de la Kéryia, je vis des tissus sergés, spécialité celte, et des linteaux de bois à motifs typiques palmyréniens, exposés sans le moindre commentaire. Interrogé, l’ “archéologue de service ” consentit à me le confirmer. Maurice Sartre n'est pas d'accord du tout sur ces points, car rares sont les vestiges, mais faut-il les refuser ? Or, le trajet de la Sogdiane au Tarim était barré par le 3ème empire hunnique, qui, depuis ~35  (AH 109)  s'étendait de la Chine à la Caspienne. Samarcande et la Bactriane étaient occupées par les Huns Hephtalites. Comment les amadouer ? En les employant comme guides, escortes, ravitailleurs, fourriers. Ou en leur payant tribut  (pline, XII, 63)

 

Aurélien ruine les Huns ?

Pourquoi Aurélien a-t'il détruit Palmyre, qui avait tant rendu service à Rome, surtout depuis que les fanatiques et agressifs Sassanides avaient capturé l'empereur Valérien ? D'après "l'Histoire Auguste", ramassis de ragots partisans où l'on a d'autant plus de peine à  pêcher la vérité que les documents sont rares sur cette période, c'est la folie de Zénobie qui non seulement s'empare de l'Egypte, mais d'Ancyre et se dirige sur Byzance ! Essayons de comprendre. Le premier acte des Sassanides, avant même la chute d'Artaban, le dernier roi Parthe, fut la conquête de la Characène, coupant donc la route maritime de Ceylan. (gage 148) "Palmyre perdit à la fois, vers 235, la particulière protection d'empereurs attachés à la Syrie la plus sémite.. et la facilité des communications avec la basse-Mésopotamie et le golfe Persique: Ardachir s'était emparé de la Mésène et de la Characène avant même de supplanter Artaban à Ctésiphon"... Ce qui explique la brusque militarisation de Palmyre "Dès 244, les Sassanides interviennent en Arménie et la pillent." (Zénobie, en s'installant à Ancyre, cherchait peut-être à leur barrer la route de la mer Noire)

En 260, Valérien prisonnier, l'Orient romain en déroute, Palmyre sauva Rome, dont toutes les forces étaient massées sur le Danube. Sans elle, Rome, dont l'empereur fut humilié par Sapor, aurait sans doute été chassée de Syrie et même d'Ionie et d'Egypte. Jusqu'à la mort d'Odeinath, en 267, c'est sur Palmyre et ses archers méharistes arabes qu'a reposé la sécurité de cette région guère peuplée, mais vitale pour la défense de l'Imperium. (Si Rome avait pu s'appuyer sur les guerriers juifs, qu'elle eut tant de mal à vaincre, et déporter, la situation eut été différente. Les Sassanides n'auraient pu lui infliger ces défaites cuisantes.) On a reproché à  Zénobie d'avoir envahi l'Egypte. Mais si c'était pour la protéger ? Un malentendu tragique ?

L'Histoire Auguste, guère fiable, parle d'un certain Firmus d'Alexandrie, (gage 376) très riche "il envoya des navires marchands aux Indes" qui aurait appelé  Zénobie, car l'Egypte était menacée par les Nubiens du sud et les troupes impériales ne venaient pas. Or, la mer Rouge restait la seule route au grand commerce romain. Palmyre ruinée, l'économie romaine ne sortit plus du marasme, les impôts accrus, la société  militarisée, l'armée des empereurs-soldats, sur la défensive, de plus en plus chère (roman 420) : 70 % du budget ! Aurélien comprit-il son erreur ? Le fait qu'il ait traité  Zénobie avec beaucoup d'égards le donne à penser. L'Histoire Auguste dit même qu'il combattit par principe, et à regret. Mais trop tard.  Rome croula sous des déficits croissants. Corrélations ? Aurélien détruit Palmyre en 272. En 280, la Chine est réunifiée par les Tsin. Probus, en ce même 280, bat les Alains du Nord-Caucase, infiltrés en Asie Mineure.

Maurice Sartre m'écrit (déc. 2002) que l'intérêt permanent de Rome et Byzance pour l'Arménie s'explique mal, car aucun commerce n'est jamais mentionné. Puis-je supposer que cette étape obligée vers la mer Noire était aussi l'unique chemin pour les guerriers du nord du Caucase: Alains, Huns, Sarmates, etc... désireux de servir Rome ? Peut-être était-ce un secret, comme le fut la route des Cassitérides ? Sans parler de la valeur stratégique, verrouillant l’accès à la mer Noire, à la Caspienne, à l’Asie Centrale et à la Mésopotamie. L'Arménie fut, à maintes reprises, conquise et perdue. Elle devait intéresser.

Peu après, en 311 et 316, les Hsiung-Nu proto-Mongols dévastent la Chine du Nord (un de leurs rois, l'Attila chinois, Che Hou, servait ses concubines rôties au repas). Les Huns occidentaux se dirigent vers le Ta-hia (Bactriane), puis le Ta-Qin, l'empire romain. Les troubles continueront en Chine jusqu'aux Wei, turco-mongols, en 396. La prospérité ne reviendra que bien plus tard, lorsque les T'ang, en 618, rétabliront les échanges extérieurs. Pendant ce temps, les Huns de Scythie, voisins des Ostrogoths d'Ukraine, les englobent dans leur horde en 375, avec les suites qu'on connaît: Grandes Invasions, barbarie, etc... Certes, les Invasions barbares ont commencé  plus de 500 ans avant (Cimbres, Teutons, Alamans...) Mais là, ce fut une pression permanente de plus d’un siècle. Pas souvent pacifique, quoiqu'on dise.

Supposons ces "Barbares", leurs "clients" disparus, leurs sentiers désertés. Qu'auriez-vous fait ? Suivre la route pour voir qui l'avait coupée, et où. Les Sassanides évincent les Parthes en 226. Les Goths franchissent une première fois le Danube en 238. Coïncidence ? Les caravanes parthes vers Tyras (sur le Don) ne passaient sans doute plus.

Leurs ex-partenaires Goths de la mer Noire, harcelés par  les Asiatiques, demandent en vain l'aide de leurs ex-clients et voisins Romains... On connaît la suite.

 

Rhéginiens ... ou Radhanites ?  Réguines = Arméniens = Ashkenazim ?

La route de la Soie mit en contact  idées et religions. Dès les Séleucides, le bouddhisme s'implante en Bactriane et Mésopotamie, influençant le judaïsme. Les Sassanides, éliminant les Parthes, tentent d'imposer leur mazdéisme.

Y eut-il contacts entre mazdéens et Juifs ? Zoroastre a-t'il copié des notions juives ? L'inverse ! Peu importe: Les Sassanides mazdéens dépassèrent les Chrétiens en haine anti-juive. Ils déportent et massacrent. (franck 63) : "It was in this region - some say around Rhagae, others near Bactra - that a prophet named Zoroaster ... it came to share a number of ideas with Judaism... belief in a saviour or messiah, in resurrection, in a last judgment and a heavenly book in which human actions are recorded, and in a heavenly paradise" (C'est en cette région, les uns disent près de Rhagès, d'autres de Bactres, que le prophète Zoroastre apparut. Il partagea un certain nombre d'idées juives: résurrection, messie, jugement dernier, un livre céleste où sont notés les actes des hommes et un paradis céleste) (à rebours, j’ai lu que les Juifs les leur ont empruntées, la notion et même le mot  pardes (paradis) viennent de Perse) Revoilà  Rhagès. Y aurait-il un lien entre cette ville mède tant citée par la Bible et mes ancêtres ? Aujourd'hui Rey, ou Shar-Rey, parfois nommée Raay, Rhagæ, Ragès (Tb2,14) ou Ragau  (Jdt1,5) dans ma Bible catholique, Rago et Rogav par Chouraqui. Rayanites, Rhagénites, Reynites, Rhagéens ? Josèphe écrit Reguines (Ρεγινες). Ces Rayénites seraient-ils devenus "Radhanites" ? C'est assez plausible. En 8 siècles, on a vu pire, et les autres explications sont encore plus vaseuses. Curieusement, pour Josèphe, les Rhagéens sont des Arméniens. Or, en hébreu, les Arméniens sont des Ashkénazim. Je n'ose en déduire ce qui en découle: les Ashkénazim descendent au moins en partie des Radhanites, qui, selon Ibn Khordadbeh, furent les commerçants de l'Empire khazar. Rashi, le premier à employer ce vocable, (EJ in “ Ashkenaz ”) n'a donc fait qu'entériner Josèphe.

 

que devinrent les Juifs ?

Ceux d'Asie et de Judée déportés ad metalla (vers les mines), ceux d'Afrique victimes de pogroms. Les chrétiens, bien avant l'Edit de Constantin, s'y employèrent plus activement qu'à lutter contre les Germains. Des marchands ont pu trouver refuge en Sérinde et en Sogdiane, mais pour quel commerce ? Pourtant, les Sogdiens semblent avoir survécu aux Huns. Ils ont sans doute incité les Khazars à aider Héraclius contre les Sassanides et Constant II contre les Bulgares, cela semble logique.

L'interruption d'un trafic si limité en volume a donc eu de grandes conséquences. (braudel passim)  explique que les produits de luxe aux débouchés certains, mais à risques élevés: naufrages, brigands, catastrophes, exigeaient de gros capitaux, donc banquiers, relais, lettres de crédit, comptabilité et surtout de gros efforts pour accroître la sécurité, qui profitaient à  tous. En outre, péages, douanes, guides, escortes ou fourrage, tout était bon pour prélever sa dîme. Y compris les liturgies (travaux ou œuvres d’intérêt public) dans les cités hellénistiques et les villes romaines. Ces activités induites profitaient surtout aux princes, khans, sénateurs et autres nantis, mais un peu aussi aux populations. pline et Caton déploraient l'hémorragie d'or causée par la coquetterie des Romaines, sans voir que des milliers d'artisans et d'artistes en profitaient: Rome ne payait pas qu'en or, mais en ambre, orfévrerie, verrerie, artistes, acrobates syriennes, (les acrobates chinois en seraient héritiers) corail, éponges, pourpre (soie teinte en Syrie et réexportée) vins fins, huile, camées...  Des villes entières, en Ionie et Syrie surtout, vivaient de ces "fanfreluches". Et les liturgies, impôts “ spontanés ”, permettaient - notamment -  d'entretenir l'armée ou acheter des alliances. Chose que ni Pline, ni Caton, ni les "empereurs-soldats", selon  rastofstief, ne comprirent jamais: Lorsque les riches gagnent moins, ils dépensent moins, les pauvres deviennent plus pauvres et plus nombreux.

 

le secret de Palmyre ?

Par quel miracle cette oasis put-elle jouer un tel rôle de la Chine à la Maurétanie ? Dès les premiers contacts, les numeri (escadrons) palmyréniens (will 47) sont utilisés par Rome sur tous les limes. En Numidie, Dacie, Egypte... Peut-être avaient-ils "un truc": 

(ibidem 96)  le graffito de Doura prouve qu'ils connaissaient de longue date l'arc à double courbure. Si sa portée est accrue du haut d'un méhari, elle le sera plus encore avec un matériau comme l'acier à ressort. Or, Palmyre commerçait avec Ceylan. Où se fabriquait, dès le ~3e s. on l'a vu, un des meilleurs aciers connus, souple et tranchant, "l'acier de Damas", qu'on ne sut imiter qu'au 20e s. En outre, plus la pointe de flèche est lourde, donc plus pénétrante, plus longue est sa portée: Non seulement les numeri ajoutaient la mobilité des méhara à l'excellence d'arcs, flèches et archers, mais avec ces escortes, leurs caravanes devaient intimider pirates ou brigands ! La chute de Palmyre se produit, coïncidence, lorsqu'elle n'a plus accès à Ceylan et son acier merveilleux. (Ces déductions, bien étayées, je ne les ai lues nulle part, donc nul ne les a réfutées)

Les Sassanides avaient coupé la route de l'acier !

 

Sassanides

Ils remirent des routes en service, mais, vers 350, les marchands d'Occident n'avaient pas le droit (boulnois 162) d'aller plus loin que Batné, entre Antioche et Séleucie. Autrement dit, la Route de la Soie continua avec une clientèle réduite pour l'essentiel à la cour des souverains iraniens. (g. roux 353) : "L'impression générale.. est que cette époque fut beaucoup moins prospére que l'époque arsacide ...Au tournant du 6e & du 7e s....la ruine de l'antique Mésopotamie ...les canaux non entretenus s'asséchèrent ... la population abandonna ces villes à demi ruinées.." Ces autocrates furent détestés à tel point que lorsque les Arabes arrivèrent en  651, ils furent accueillis comme des sauveurs. Peu de données sur la route de la Soie à l'époque Sassanide, sauf une description, vers 370, par Ammien Marcellin, (livre XXIII, chapitre 6), citée par (gage 184) A côté de renseignements pertinents, même sur la Chine "qu'enferme une enceinte circulaire de hautes murailles "... "qui touche à la Scythie par l'occident, par l'est et le nord à des déserts glacés et s'étend au midi jusqu'à l'Inde et au Gange", on trouve des bobards qui prouvent que les Romains d'alors en savaient bien moins sur le monde oriental que Ptolémée deux siècles auparavant.

Y a-t'il un rapport entre la prise de pouvoir des Sassanides en Iran, les Grandes Migrations en Occident et en Chine, et la naissance de l'Islam ? Consultons un expert (chastagnol 83). Parmi les causes éventuelles de la très longue crise du 3e s. il cite, bien sûr, les invasions barbares, provoquées en partie par un cataclysme en Hollande où se forme le Zuydersee, en partie par la migration des Goths vers la mer Noire, qui força les tribus situées sur leur parcours à se déplacer. (On pourrait inclure le christianisme: éliminant le culte des forêts et monts sacrés, il favorisa un tel déboisement que bien des endroits devinrent des déserts. L'Islam, plus tard, empira encore les choses) Il y ajoute le rôle néfaste des raids de pillage sassanides. Pourtant, il néglige un facteur plus important à mes yeux: Les Sassanides se sont acharnés à couper toutes les routes commerciales entre l'Imperium et l'Orient. Interruption provocant un tel marasme qu'elle incita, supposé-je, les Huns à ravager la Chine et l'Occident, avec les conséquences que l'on connaît.

Voilà une cause majeure de cette crise, peut-être même LA cause majeure, dont les Sassanides souffrirent à leur tour, car leur imbécillité les privait d'immenses ressources. Le déclin romain débuta par celui du grand commerce. (Comme aujourd’hui, l’immigration résulte du déficit commercial des pays pauvres : Tu n’achètes pas mes dattes, donc je viens chez toi chercher du boulot.)

braudel a expliqué pourquoi les produits de luxe jouent un rôle plus important dans l'économie que des marchandises prosaïques, plus utiles: Ils sont tout bêtement plus profitables.

Ainsi, la prospérité de ses "économie-mondes" dépendait d'ambre, poivre, perles, soie ou autres futilités. Pour ne pas l'avoir su, les empereurs romains ou sassanides, puis l'Eglise, plongèrent pour plusieurs siècles l'Occident dans le marasme et la guerre. Leurs préjugés anti-mercantiles continuent d'aveugler, semble-t'il, de généreux "révoltés anti-mondialistes" et de doctes érudits qui se flattent parfois de conseiller les puissants !

Pourtant, la route se poursuivit, puisqu'en 552, sous le règne de Justinien, un moine nestorien muni d'un simple bâton dévalorisa  à jamais la principale source de richesses de la Chine: Le bâton creux cachant des cocons de bombyx rendit à Byzance la prospérité : elle produisit sa soie elle-même. L'appât du gain ou le patriotisme byzantin furent-ils les seuls mobiles ? Point commun entre mazdéens et chrétiens, nestoriens ou non: l'anti-judaïsme.

 

les Khazars sauvent la Chrétienté  une première fois

      En 560, Khosro le Sassanide bat les Huns Hephtalites qui ravageaient l'Asie centrale. En 567 (grenet 78)  les Sogdiens envoient une ambassade à Byzance "afin de négocier une nouvelle voie de transit par le nord de la mer Noire". Donc, court-circuitant l'Iran sassanide.

Byzance était alors fort occupée à combattre Lombards, Avars, Sassanides et Slaves. En outre, les Bulgares, successeurs des Huns, stationnés à  l'embouchure du Don, bloquaient tout le trafic.

Faut-il voir un miracle ou l'influence des Sogdiens dans l'aide inespérée que les Khazars apportèrent à Héraclius, qui lui permit d'écraser les Perses sassanides en 628 ? De 650 à 675, et certainement avec le même objectif, les Khazars détruisent l'empire bulgare de Khoufrat, entre Don et Volga. Une part fuit vers la moyenne-Volga, l'autre avec Asparouch, fils de Koufrat, en Thrace. Mais ces deux Bulgaries combattirent sans cesse Byzance et les Khazars.

La route khazare, par la Crimée et la mer Noire, permit la richesse de Byzance, et donc sa survie, rempart de la chrétienté: De 674 à  678, les Arabes assiègent Constantinople. L'architecte syrien Kallinikos invente le feu grégeois (soufre + naphte + charbon ?) et ses "siphonophores" incendient la flotte arabe. (berl 76) affirme que cette victoire et celle de 717 firent plus que Poitiers pour sauver la chrétienté . Mais d'où venait le naphte ? S'il y en avait eu en 674, le siège n'aurait pas duré 5 ans.

Une des seules sources connues à l'époque était Bakou. On peut donc supposer que les Khazars, venant de vaincre les Bulgares du Don en 675, ont enfin pu le fournir. (franck 200) : "En 680, les Khazars pillent l'Arménie musulmane". Ils étaient donc près des gisements. (faure 97), parle de colons grecs à Olbia en 645. Un peu d'histoire-fiction: En 677, ces Grecs chargent leurs navires de pétrole khazar, les équipent de siphonophores sur instructions d'un messager, et ils prennent à revers la flotte assiégeante. Car comment amener pétrole et construire navires dans une ville assiégée depuis 5 ans ?

Que le pétrole soit ou non arrivé par miracle à Constantinople, les Khazars sur le Caucase créaient un "second front" aux Arabes et bloquaient pour des siècles leur expansion. Les Arabes chassés, Constantin IV attaqua les Bulgares et fut battu en 679. Il tentait sans doute une jonction terrestre avec les Khazars, qui, rouvrant le Danube, aurait sans doute changé l’histoire du monde, ou du moins de Byzance.

(brehier 77) rappelle que Léon III l'Isaurien grâce à son alliance avec les Khazars, (son fils Constantin épousa en 733 la fille de leur khagan) qui envahirent l'Azerbaïdjan, parvint à repousser les Arabes à l'est de l'Anatolie. Sa politique et ses victoires ramenèrent la prospérité et jugulèrent l'anarchie. Mais il obligea les Juifs à se faire baptiser et lança la persécution iconoclaste,  qui aboutit à une longue guerre civile.

Les Khazars étaient Turcs, sans doute stationnés jadis en Hyrcanie. (gagé 182) : selon Ammien Marcellin, cette région pauvre, au sud-est de la Caspienne, vivait surtout de commerce et de pêche.  (EJ in “ Babylonia ”): "Eusebius (Eusebius Werke 112-3) relates Artaxerxes III's  deportation  of Jews to Hyrcania .. as the result of a revolt around -350 BCE" (Eusèbe de Césarée relate une déportation de Juifs en Hyrcanie après une révolte vers  ~350) Soit 20 ans avant Alexandre. Or, dans la "lettre de Kiev", trouvée dans la guéniza (dépôt d’écrits inutilisables) du Caire, un Juif de Khazarie écrit: "notre pays s'appelle Arkanos"

Il peut donc y avoir eu des contacts judéo-khazars dès cette époque lointaine, car les Khazars ne sont pas apparus ex nihilo en 626. Mon "Petit Robert": "Anc. peuple de race turque, établi depuis une haute antiquité dans la région de la basse-Volga" (sans doute vassalisés par les Huns jusqu'à leur défaite par Chosroès). 

Étrangement, en écrivant "a modne mameloshn", j'ai trouvé plus de 118 cognats (mots de sens et prononciation voisins) turcs du yiddish, et, longtemps après, je me suis demandé si certains, souvent aussi cognats slaves, n'étaient pas une antique survivance du langage khazar.

Vous verrez in fine que même avant Isabel, des Juifs étaient honorés chez les Ottomans. En turc, la Caspienne se nomme "Kazar deniz", mer khazare. Et le bon accueil des Juifs chassés par Isabel de Castille était peut-être dû, en partie, au souvenir persistant de cette antique alliance judéo-turque.   

Pour terminer ce chapitre,  je défie quiconque de démontrer, hypothèse hasardeuse, que l'élimination des Juifs, des Nabatéens, des Parthes et de Palmyre n'eurent aucun rôle dans le déclenchement des invasions hunniques et gothiques. Ni dans la genèse de l'Islam.  

 

 
 

 



[1] J.N. Robert dans les Etrusques (les belles lettres 2004)  confirme p. 124 leur présence en mer Noire

HEBREUX