Commerce antique & post-antique

 

Civilisation implique relations extérieures: produits, culture, technique ... En Crète, j'ai vu des bijoux minoens d'ambre balte, à Corinthe, un vase grec rouge à figures noires, représentant un renne ! Près du Gange, on trouva des monnaies romaines. D'où venait la richesse d'Alexandrie, Antioche, Aquilée, Cyzique, Pergame... ? De navires et caravanes. La mousson permit aux marins égyptiens, palmyréniens, grecs, et romains d'aller au-delà de Ceylan. Le Yémen fut escale. On y décèle une présence juive dès le ~1er siècle.

Or, selon M. Derczansky, on y prononçait l'hébreu (אָ) comme Judéo-Persans et Ashkénazim: "O" alors que les Séfarades prononcent "A" Seraient-ils venus, non de "Babel" mais d'Antioche ou Apamée, via Doura-Europos et Spasinou-Charax ? (lot 87): Dès Tibère, Juifs, Syriens et Gaulois assument la plus grande part du commerce romain. A Strasbourg, la rue des Juifs longe le castrum romain. A Périgueux, la rue Mosaïque sépare la cité romaine de la Vesuna gauloise. (suffran 41): Le vicos (village gaulois) biturige qui précéda Bordeaux se trouve sur le mont Judaïque. A Lyon, la synagogue est juste en face de l'emplacement probable du port gallo-romain des nautes du Rhône, au bas du futur quartier Saint-Georges. (et je suppose la rue de la Juiverie proche du port médiéval, plus au nord.) Qui les a étudiés ? Déplorons la disparition des cartes romaines, hormis l'Itinéraire d'Antonin et la Table de Peutinger, copies médiévales pleines d'enseignements.  Je n'en déduis rien qu'une certaine ancienneté: Il y eut des Gaulois juifs[1] avant l'arrivée des Romains ! Les goys qui nous traitaient "de fraîche date" l'étaient souvent plus que nous ! (Bien des Juifs maghrébins s'appellant Serfati ("Français" en hébreu) ou Franco descendent de Juifs chassés de France, puis d'Espagne, il y a 8 siècles ! Plus vieux Français que Bretons, Alsaciens, Lillois, Bisontins, Niçois, Savoyards, etc..)

 

Rhin et Danube

Ces deux fleuves gaulois furent grand'routes commerciales d'Europe. Dès l'âge du Bronze, on trouve trace de contacts de la Perse à la Bretagne (l'île), par mer Noire, Danube et Rhin. Etrusques et Gaulois ont collaboré, comme l'attestent les tombes de Hallstatt et la Tène (Vix). Des Juifs ont pu colporter les trouvailles achéménides du Danube. Sous le Bas-Empire, le commerce fluvial fut préféré aux autres formes de transport: à l'intérieur des terres, il évitait piraterie et tempêtes d'hiver qui rendaient la Méditerranée peu sûre. (petit 129) : "Dans les provinces orientales, Thrace et Mésie, ... au 2e siècle, une forte immigration d'Orientaux, Syriens et Asiates... en Dalmatie et Pannonie... Un nouvel axe commercial ...(Danube-Rhin) qui concurrence et finalement supplante l'axe méditerranéen...  jusqu'à Cyzique, Pergame et l'Asie ... et surtout, en nombre croissant depuis le 2e siècle, les Orientaux, Syriens, Asiates et Juifs... venus comme marchands ou comme soldats... on connaît une synagogue à Intercisa" (non loin de Bratislava). On naviguait par presque tous temps de Noviodunum (Izatchka) place romaine au nom 95% gaulois, (en "bon" gaulois, c'est "novios dunon", nouvelle forteresse) près de Galatsi (Roumanie) à Eboracum (York). En effet, trois portages assez courts permettaient de passer d'un bassin à l'autre. Le plus aisé, Altmuhl / Tauber, près du canal Rhin-Danube actuel, ne fut jamais contrôlé par Rome. L'Altmuhl rejoint le Danube en amont de Ratisbonne, la Tauber gonfle le Main, qui rejoint le Rhin à Moguntium (Mayence). Où les archéologues ont décelé une présence juive, bien avant Septime-Sévère. (mieses 276): Les rabbins de Ratisbonne disaient s'y trouver dès avant la destruction du Premier Temple (~587) et ceux de Mayence, avant César. J'ai cru à une exagération, or, la fouille de la Heuneburg, datée de Hallstatt, prouve que des marchands (Juifs, Achéménides, Celtes, Etrusques ?) ont porté en Gaule, jusqu'à Stuttgart, la soie chinoise, dans cette Gaule dont les Germains s'emparent bien plus tard. De même, (keller** 242): les voiles transparents des danseuses étrusques suggèrent la soie. Arrivée par quels trajets ? Danube et Rhin furent frontières, pas barrières. Plutôt un sas laissant passer les marchands et arrêtant pillards ou ennemis.

Rome avait faim de bois, poix, miel, plumes, fourrures, cire, étain, mercenaires, esclaves, ambre, mais aussi de renseignements: Varron  (116, 27) savait qu'au Nord, la nuit dure 6 mois.

 

Ovide et portages

Dans un monde où routes, cartes routières et poteaux indicateurs sont rares, les rivières sont le seul moyen de transport lourd. D'énormes livres traitent des trafics maritime et routier romains. La majeure part prenait, discrètement, la voie fluviale. (coulon 193) décrit l'aménagement des gués, voies en terrain marécageux, ports et routes en montagne (en surplomb !) (ibid. 203): "les plus modestes rivières ... aujourd'hui totalement impropres à la navigation" Pirogues, barques à voile ou à rames, chalands, outres et radeaux furent employés selon les types de cours d'eau empruntés. Utricularii, nautæ et ratiarii avaient chacun leur domaine propre. En Gaule, leurs stèles sont les plus anciennes et nombreuses qu'on connaisse.

Certains gués et portages étaient secrets militaires. On dit "portages", mais il s'agissait surtout de "glissoirs" boueux. Longés sans doute par des sentiers de rondins permettant aux haleurs de tirer des charges très lourdes. Plus je relis les vers d'ovide cités en couverture, plus je me demande si le "victus" n'est pas le "batelier" que le traducteur fait surgir du néant. Certes "fossor" est un terrassier, mais aussi, tout "rustre" ou "péquenot". Je lis donc, bien que moi-même rustre ignorant: "Ainsi, c'est pourquoi chante le captif, bien qu'il ne soit qu'un rustre ignorant enchaîné dont les pas lourds et maladroits s'embourbent dans le sol. Il chante et hale lentement à contre-courant le radeau sur le ruisseau, s'arc-boutant sur le sable boueux"  (je dirais même: "en pataugeant dans la boue" moins poétique, mais combien plus réaliste)

Ovide dit avoir appris les langues locales à Tomis. Passait-il ses jours à rêver du Palatin ? Maintenu parce qu'indispensable. Agent secret, interprète, diplomate, contrôleur ?

La différence entre la Rome d'Auguste et les précédentes, c'est un exploit aussi commercial que militaire. (AH 90): En annexant Egypte, Galatie, Mœsie, Illyricum, Pannonie, Rhætie et Norique, en protégeant Nabatéens et Palmyréniens, il créait une immense zône de prospérité: des étapes-clés aux débouchés des routes de la soie et des épices, comme Ancyre, Tyras, Alexandrie, Antioche, Byzance, mais aussi les cours du Rhin et du Danube, de leurs sources à leurs deltas. Or, le delta du Danube est un marécage. L'avantage de Tomis, future Constanţa (Constantsa),  plus grand port roumain, c'est qu'un court portage (aujourd'hui canal) permettait l'accès au "vrai" Danube.

Les vers d'Ovide ont pu être inspirés lors d'une inspection de ce fructueux trajet, par où transitaient les richesses de la Scythie, de l'Afrique et de l'Asie. C'était en effet le chemin le plus économique, pas seulement de la mer Noire aux Gaules et à la Bretagne: De Singidunum (près du futur Belgrade) par la Save, on arrivait à quelques milles d'Aquilée (près de la future Venise).. et quelques étapes de Rome.

Ovide, douanier de la route de la Soie ! O portitor ! Ô poésie !

Hormis les routes de l'ambre mycénienne, étrusque, grecque, gauloise et scythe, il y eut une route "romaine" explorée par des chevaliers envoyés par Auguste.. Elle passait le Brenner, vers Ratisbonne, remontait le Vils ou le Naab, gagnant la Saale pour rejoindre l'Albis (Elbe). Les gisements d'ambre (sucinum) du Jutland  épuisés sous Néron, une autre route partit d'Aquilée, par Carnuntum, Pœtovio, Prague (Boiobinum), Cracovie (Carrodunum) Halicz (Calissia) et la Baltique. Les bijoutiers juifs d'ambre d'Aquilée étaient déja célèbres sous Auguste, selon (rastofstief).

 

routes de l'Ambre,  périples de la mer Erythrée

(breton 211) décrit une cause supplémentaire de la prospérité  romaine: la route des Indes. Depuis plus d'un siècle (au temps d'Auguste) "les marins s'y aventuraient régulièrement. Depuis longtemps ils naviguaient entre l'Egypte et l'Inde en franchissant ce fameux détroit. Mais les Arabes en étaient les intermédiaires obligés: il fallait transborder les marchandises à Aden, puisque les bateaux indiens ne parvenaient pas jusqu'en Egypte. Vers 117 avant notre ère, un marin, Eudoxe de Cyzique, entreprit son premier voyage. Aidé de deux pilotes, un indien et un grec, Hippalos, il fit voile vers le sud de la mer Rouge ... entra dans le golfe d'Aden sans y relâcher ... et gagna directement l'Inde qu'il atteignit à Baryzaga (Broach, dans le golfe de Cambay) ... Au retour, il se servit des vents qui tournent au nord en janvier"

Ainsi, la Rome d'Auguste eut des relations avec la Scandinavie comme l'Afrique centrale, l'Inde et la Sibérie. Quel rôle y jouaient mes  ancêtres ? Silence radio.

 

Germains celtisés, fer romain et routes des Cheveux   

L'ambre du Jutland fit la fortune des Germains, échangé contre or, vin, céramiques, grecs, puis étrusques et romains. Surtout pas d'armes. (hubert, 127): Les Germains étaient bons orfèvres, piètres forgerons. Ce qui explique tant de racines gauloises en francique, ostique, norrois ou saxon. (contrairement à ce que je supposais le vase de Gundestrup est un butin des Cimbres, sans doute volé aux Scordisques de Thrace)

Autre curiosité: les rapides progrès germaniques. Ils vont bientôt surclasser les Romains, qui les croyaient éternellement tels que Tacite les décrivit. Leurs armes et bateaux progressent, alors que l'archéologie confirme Tacite (cf Historia n 617, p.26) dépeignant, 2 siècles plus tôt, de vrais "fossiles vivants du néolithique", barbares et cruels. Cruels ils restèrent, mais en évoluant. La technique franque de forge (tressage d'acier et de fer) semble venue de l'Inde, donc apportée par qui d'autres que des marchands ?

Que les Romains n'aimaient guère. (rastofstief, passim) comme ammien marcellin montrent que si les empereurs-soldats n'appréciaient pas les chrétiens, ils s'entendaient avec eux sur un point: la haine des marchands, soupçonnés par les uns d'espionnage, par les autres d'avarice: Ils refusaient de transporter gratis pro Deo les colonnes volées aux temples profanés. (rastofstief) parle de liturgies (contributions "volontaires") si lourdes que de véritables grèves furent déclanchées par nautes et naviculaires, (ammien marcellin XXVII) de "fuite des cerveaux" (païens) vers les Barbares et de marchands exécutés: En 372, Valentinien veut attaquer les Alamans: "Avant de se mettre en marche, les chefs firent périr tous les marchands de crainte que l'un d'eux n'alerte les Alemanni." Fuites accélérées par les saints-pyromanes: Martin détruit temples et statues, Ambroise félicite des brûleurs de synagogues, Cyrille incendie des bibliothèques, martyrise la savante et belle Hypatia..

Les fouilles dans l'ex-empire ostrogoth d'Ukraine montrent techniques et agriculture très avancées. Grâce, en partie au moins, à leurs contacts avec les marchands. Si les Goths firent tant de progrès dès leur arrivée sur la mer Noire, ce n'est pas qu'au contact d'Alains et Sarmates: Il y avait Grecs, Juifs et sans doute Gaulois de longue date. Qui croirait ces progrès venus d'un labo clandestin du fond des forêts teutonnes ? Ils commencent juste lorsque le commerce palmyrénien par l'Arménie est entravé par la montée des Sassanides. Les rapides progrès des Germains ont d'autres explications. (werner 203): L'arrivée chez les Marcomans, après la guerre des Gaules, de résistants qui s'installent en Bohême, Thuringe et Silésie, y introduisant maintes techniques et conceptions de la Tène, formant de véritables tribus germano-celtes, comme les Bastarnes ou les Lugi. Lorsque les Goths, allant de la Baltique à la mer Noire, rencontrent ces tribus mixtes, ils semblent les avoir intégrées, ce qui expliquerait de nombreux mots d'origine ou d'allure celtique en gotique comme en allemand. (Y compris des prénoms, comme Dietrich (Teutorix) Karl, venu sans doute du gaulois caros, chéri [(lambert 30) cite un Carletisu] Monsieur kazanski m'a confirmé que les Goths ont su intégrer des procédés sarmates et celtes à  leur civilisation..

Petite énigme: les Romains ont appris beaucoup des Gaulois, et vice-versa. Mais il semble que les harnachements de la Tène ne furent pas plus connus d'eux que la soie, pourtant présente en Gaule 400 ans plus tôt. Or, Rome copiait tout, surtout d'intérêt militaire. Y eut-il une "résistance technologique" ? Ou ces techniques furent-elles oubliées ? Des stèles gallo-romaines des environs de Trèves, à Igel et des tombes de la Tène montrent des avancées en attelage et harnachements qu'on ne retrouve pas ailleurs. Un autre facteur relevé par l'archéologue suédois Oxenstierna (passim) est la "période du fer romain": Les Romains  évitaient de fournir du fer sous une forme quelconque à leurs voisins. Un général punico-arabe, Septime Sévère, (146/211) avait épousé à Ratisbonne, dans la Norique gauloise, une prêtresse du dieu soleil arabe, Shams d'Emèse (Homs, Syrie), devenu "sol invictus" (soleil invaincu), dont on continue à fêter l'anniversaire (dies natalis) tous les 25 décembre. Julia Domna était brune. La couleur du soleil, c'est l'or, il lui fallut donc des cheveux d'or, aussi, (PRE in "Haar")  lança-t'elle la mode des perruques blondes. On descendit donc de nouveau l'Elbe pour fournir les toisons ambrées à toute la bonne société. Ratisbona la gauloise fut rebaptisée "castra regina", d'où Regensburg, étape de la célèbre Route des Cheveux.

Cela serait d'un maigre intérêt, si les Saxons n'avaient exigé, en échange de leurs biens les plus convoités: bois, poix, plumes, miel, fourrures, comme les blonds cheveux de leurs filles, des outils en fer.

Grâce à quoi, ils s'empressèrent de copier les vaisseaux marchands, mais en mieux, grâce aux bordages à clins. (Les planches de la coque se recouvrent partiellement comme les tuiles d'un toit) Donc des réfugiés gaulois ou des marchands, souvent juifs, furent sans doute importateurs, puis "professeurs de sidérurgie" volens, nolens. Bientôt, les forgerons Francs surclasseront ceux de l'Empire.

 

route des Zibelines et cécité d'historien

(gibbon 39,126): "With the country from whence the Gothic nation derived their origin, he (Théodoric) maintained a friendly correspondence: the Italians were clothed in the rich sables of Sweden" (Avec le pays d'où les Goths tiraient leur origine, il maintint une correspondance amicale. Les Italiens étaient vêtus des riches zibelines de Suéde) Par quel chemin, à quel prix ? Les coquillages de l'océan Indien trouvés à  Helgö ont sans doute payé ces fourrures. Furent-ils fournis par les Juifs d'Alexandrie ?  Certes, selon  (mélèze 168)  TOUS les Juifs d'Egypte sont massacrés en 117. Ayant demandé quand s'était reconstituée la communauté, il m'a répondu:  "un siècle plus tard, très différente" Le commerce dut reprendre. Les Juifs se maintinrent à Alexandrie, malgré une expulsion temporaire (barnavi 70)  en 415 par "saint" Cyrille. Donc, peu avant l’époque de Théodoric (474 à  526). Donc, des marins juifs ont pu procéder à ces échanges. Le trajet le plus court devait être : Vérone, Brenner, Inn, Vils, Saale, Elbe. On comprend la rigueur de Théodoric quand les Romains incendient des synagogues, et l'arrêt du trafic lorsque les Byzantins vinrent protéger les pyromanes.

Vie et mort de Byzance de bréhier est réputé, 2 fois réédité,  mais très discret sur Théodoric. Sur son conflit avec Byzance, p. 31 : “ Justin (oncle de Justinien) publia vers 524 un édit contre les ariens …et fit fermer leurs églises à  Constantinople…Théodoric…. menaça d’user de représailles et força le pape Jean 1er à ….demander l’abrogation…Théodoric mécontent jeta le pape en prison où il mourut ” Vilain Théodoric ! Nulle allusion au récit de (gibbon ch. 39) "even the religious toleration which Theodoric had the glory of introducing into the Christian world was painful and offensive to the orthodox zeal of the Italians: They respected the armed heresy of the Goths, but their pious rage was safely pointed against the rich and defenceless Jews, who had formed their establishments at Naples, Rome, Ravenna, Milan and Genoa… Their persons were insulted, their effects were pillaged, and their synagogues were burnt by the mad populace….and, as the authors of the tumult had escaped in the crowd, the whole community was condemned to repair the damage, and the obstinate bigots, who refused their contribution, were whipped through the streets. This simple act of justice exasperated the discontent of the Catholics[2]"

C'est après cet "incident" que fut pris l'édit anti-ariens cité par bréhier et Théodoric eut l'audace d'exiger qu'on soit aussi tolérant envers sa croyance qu'il l'était envers les non-ariens. gibbon explique qu'ainsi débuta la longue lutte de Byzance contre les Ostrogoths, qui ruina l'Italie, bigots inclus et permit l'invasion lombarde. La route des Zibelines était coupée. Pourquoi bréhier a-t'il tu cette information capitale ? (antisémitisme ?) car l'interruption du commerce déplut aux Scandinaves sevrés de coquillages comme aux tribus intermédiaires de Thuringe et ailleurs. Qui durent chercher un moyen de rétablir ou remplacer de si fructueux trafics. J'y vois la cause première des "mystérieuses" et "imprévisibles" invasions bayouvares ou lombardes comme  des futurs ravages vikings, on le verra plus loin.

 

Bretons, Frisons, Juifs et Saxons   

Seul obstacle: le syndicat "Bretons, Frisons, Juifs et Saxons". (hubert 302) : La tradition navale est attestée dès l'âge du bronze au Danemark et (ibidem 253) les trouvailles en Angleterre de haches semblables à celles de l'Adlerberg prouvent des contacts entre pré-Germains, pré-Scandinaves et Iles Britanniques. Mais il y a loin de ces navires archaïques aux splendides vaisseaux saxons.

(duval 250) "Quant aux grandes barques du Rhin (vers 296) elles annoncent curieusement le profil des navires nordiques du moyen-âge, par les têtes de monstres qui surmontent la proue et la poupe". Les Saxons ont dû voir et imiter ces barques sur l'Elbe. Leurs "professeurs" se souvenaient peut-être que Septime-Sévère avait débuté sa carrière en écrasant une N ième révolte juive. Le navire saxon de Sutton Hoo a visiblement servi de modèle aux knarrs et langskips vikings. Il utilisait les bordages à clins, étanches grâce à l’étoupe poissée. Meilleurs navigateurs de leur temps du 4e au 9e siècle, les souples navires saxons allèrent jusqu'au Maroc et en Méditerranée. Mais à la rame, ai-je lu, car sans quille, ni pont, une voile les aurait chavirés au moindre coup de vent. (Je parie sur de petites voiles) Fondant des ports en Bretagne, Armorique, etc… comme le prouvent de nombreux toponymes.  Les Saujon, Sauges, Saacy, Saus, Saoz vont de la Charente à l'Irlande. Débutant comme pillards sanguinaires, ils semblent plus tard s'être lancés dans le "vrai commerce". On les trouve même associés, selon fleuriot, à Bretons, Frisons et Juifs.  (dohaerd 250)  en cite à Marseille et Saint Denis, des Frisons dans le sud-est anglais, domaine saxon. Dorestad, aux bouches du Rhin, grande place commerciale des Frisons, est proche de la Basse-Saxe.

 De nos jours, la "libre-concurrence", c'est la loi de la jungle, en pire. Mais jadis, tous avaient besoin de tous, et bien que concurrents, ne serait-ce que pour trouver ports, abris ou escortes, n'avaient aucun intérêt à se conduire en cow-boys. Sauf, si comme les Scandinaves, ils parvenaient à une suprématie absolue.

(fournier 28) :" Il a existé au 6es. une sorte de vaste thalassocratie bretonne... sur l'Angleterre occidentale, l'Irlande et l'Armorique, ... jusqu'en Ecosse, au sud jusqu'en Galice." (fleuriot 202): "après le 6e s. les Saxons continuent à venir en Bretagne, non en conquérants, mais en marchands... Les rapports entre Bretons et Saxons après le 7e s. ...très intimes"  (ibidem):  "Les Saxons de Bayeux, envoyés à l'aide de Waroc, vêtus, chaussés et coiffés en Bretons ont combattu à leurs côtés... Les lois bretonnes du 6e s. parlent de l'achat de chevaux saxons ".  Je suppose que ce "syndicat" n'était pas spontané . C'est sans doute une des raisons de la tolérance des Carolingiens envers les Juifs, un des très rares exemples en Occident.

 Nous avons vu que, si les Scandinaves étaient fort intéressés par la question, leur participation n'était pas souhaitée. Mais les lois du commerce priment sur la prudence: (halphen passim): Jusqu'au Xe s. Frisons et Saxons vendent des armes aux Danois, leurs pires ennemis. Pas gratis, sûrement. Donc les Danois connaissaient fort bien la flotte saxonne et durent s'intéresser à la copier et la perfectionner.

 L'archéologie suédoise prouve que, très tôt, les Scandinaves coopéraient avec les Khazars. Ils ne naviguaient pas qu'en mer, on trouve leurs traces sur Vistule, Niemen, Volkhov.. Faisant la richesse de Haithabu, sur la Baltique et, par un court portage, de Bardowiek, sur l'Elbe, où ces marchandises devaient être vendues aux Saxons, qui les revendaient dans leur zône d'action. Ces deux ports tiraient grand profit du commerce avec l'Italie romaine, puis ostrogothe, enrichissant Danemark et Suède, grands producteurs de cheveux "blonds-extra". [Bardowiek, "précurseur" de Hambourg, porte comme lui (imbero: embouchure, aber) un nom celte (bardell  breton : barrière; vicos: village ou port)]. (on peut aussi penser à  bardos, poète)

 Reykjavik (region: royaume celte ou reyka fumée germanique ?) Magdeburg (magedo: conquérir), bien plus tard, montrent la persistance de racines gauloises en pays non-celtes: le gaulois, langue commerçante sur Danube et Rhin devait l'être aussi sur l'Elbe saxon. Les marins Saxo-friso-judéo-bretons de ce temps y sont peut-être pour quelque chose. Ce port au nom gaulois sur le bas-Elbe suppose un trafic fluvial vers Danube et mer Noire. Si les Saxons étaient en relations avec les Khazars, à l'insu (?) des Carolingiens, on comprend pourquoi Charlemagne tenait tant à les convertir: Selon le goff, ses campagnes contre Bretons, Saxons et Avars tendaient à le rapprocher de Byzance, bien que Saxe et Bretagne soient loin du chemin direct de Constantinople. Sauf si des routes maritimes et fluviales... Alors ? Pour la vraie Foi, ou le petit commerce ? (Mais, ce faisant, il ouvrit la route aux Danois. Les incursions danoises élimineront bientôt Frisons, Juifs et Bretons, monopolisant pour eux seuls le trafic maritime et fluvial.)

 Pour ceux que mes assertions choqueraient, je signale un article de Véronique Maurus, dans "le Monde" du 10 août 1999: "Ann Reynolds (archéologue anglaise) sourit. Il y avait ici (à Tintagel en Cornouailles) au VIe siècle, une place forte, probablement la résidence d'un personnage important qui vivait encore à la mode romaine et commerçait avec toute la Méditerranée. En témoigne l'abondance des poteries découvertes en provenance de Rhodes, de Tyr, de Carthage, etc."

Au 6e siècle, je croyais les malheureux Bretons des Cornouailles traqués par les perfides Saxons et fuyant en masse vers l'Armorique. La situation paraît toute autre.  Comment ces objets auraient-ils pu arriver là sans une chaîne de commerçants d'origines diverses, tels Saxons, Juifs, Syri, Frisons ou Bretons ? Et lorsque le goff dit que Charlemagne, combattant Avars, Maures, Saxons et Bretons voulait se rapprocher de Byzance, il a sans doute entièrement raison ! Ce n'est pas la première fois que j'ai la joie de voir mes "élucubrations invraisemblables" confirmées par des archéologues de terrain. Donc, pour commercer sur l'Elbe, il fallait être allié aux Slaves (Abodrites, Liutizes, Borusses, Viltzes, etc ) de l'Elbe et au-delà, afin de barrer la route aux Scandinaves. Si cette hypothèse est correcte, on comprend pourquoi Charles eut tant de mal à vaincre les Saxons: Ils avaient alliés et refuges, et pourquoi la progression des Suédois vers la mer Noire ne débute qu'après cette défaite. (Les Scandinaves se seraient même alliés aux Bulgares de la Volga pour contourner la Khazarie par l'Est et commercer avec le Califat de Bagdad) Il semble que le déclin des Carolingiens pourrait provenir en partie de cette éclipse saxonne, un peu comme pour l'empire Romain, la défaite de Palmyre et des Parthes. Bien que les renseignements sur cette "hanse" soient rares, on lui attribue une bonne part du renouveau  économique de l'Europe occidentale, où les Juifs devaient jouer un rôle, guides, interprètes, intermédiaires admis entre musulmans et chrétiens… Mais aussi comme navigateurs et accastilleurs. Est-ce pur hasard si les plus vieilles attestations juives que j'aie trouvées pour cette période en Occident chrétien sont souvent loin des Mérovingiens. Rien que des ports de mer: (fleuriot, passim): Vannes vers 526,  (mieses, passim): York vers 740, et (dohaerdt  passim): Nantes vers 850, à l'indignation du chroniqueur, car "vêtus en chrétiens" (preuve de contacts vraiment intimes, en cette époque) Est-ce alors qu'une part de "mes" 322 cognats yiddisho-bretons (et plus encore de germano-bretons) se sont créés ?

 Est-ce pourquoi épices et soie arrivent chez les rois carolingiens ? Vers 965, Ibn Yakub s'extasie des épices à Mayence. On a trouvé en Irlande des objets byzantins du 7e s. (dohaerd 255) : Vers 850, "le rabbin Paltoï Gaon signalait que des Juifs et autres marchands d'Allemagne se rendaient en été en Afrique du Nord" (werner 400) : Au temps des "maires du palais", "dans ce monde encore romain, nous trouvons les negociatores... Juifs et Syriens ...ont leurs quartiers à  Marseille, Lyon, Paris ... Ils portent l'épée"     

 Après l'arrivée de Tarik en Espagne, les relations trans-méditerranéennes furent "réservées" aux Juifs, qui seuls pouvaient toucher tous les ports de Méditerranée, selon pirenne, les Syri étant "hors jeu". Ainsi, le commerce chrétien méditerranéen, privé de la Syrie, de l'Espagne et de la côte nord-africaine, se vit supplanté  par ce consortium judéo-britto-friso-saxon, puis par les Normands ! .

 Dans "Mahomet et Charlemagne", pirenne démontre que Mérovingiens puis Carolingiens furent paralysés par le manque d'or, car le commerce en Méditerranée, contrôlé  par l'Islam, leur échappait.  (Selon lui, leurs règnes furent consacrés à cette "queste". Charles Martel fut excommunié: pour armer ses chevaliers et combattre l'infidèle, il lui fallut beaucoup d'or, prélevé dans  églises et monastères. La défaite arabe de 732 à  Poitiers ne put jamais effacer cet intolérable péché.) Mais (le goff 73) inverse l'hypothèse de Pirenne: c'est le commerce (souvent juif) avec les Arabes qui a stimulé l'économie européenne.

   

Notes: - En Italie, Amalfi, dans son fjord, est le premier port chrétien faisant du grand commerce au 9e siècle, avant Pise, Gênes et Venise. Avec Byzance, mais aussi avec les Arabes. Or, chose exceptionnelle, le blason de la ville comporte un "moghen dovid", l'étoile à six pointes (qu'on retrouve sur quelques églises siciliennes et aux îles Lipari)  

 

 

Les Scandinaves païens établirent très tôt des contacts avec les Arabes, comme le prouvent les dirhems trouvés à foison dans leur tombes. Ce n'est pas l'objet de mon étude, mais dans la foultitude de bouquins lus jadis sur les Vikings, ce "détail" semblait omis. "L'Historiska museet" de Stockholm, si riche, mais si peu fréquenté lorsque je le visitai vers 1998, ne mettait guère en  évidence les origines supposées des objets exotiques de Birka, (un planisphère et quelques traductions en anglais supplémentaires auraient été bien utiles) Une remarque de Régis (boyer) m'induit à supposer que Vikings & Magyars ont, un temps, gardé ensemble des routes khazares. On le verra plus loin.

 


 



[1] traces relevées entre Cognac et Bordeaux. Tout un programme !

[2] Même la tolérance que Théodoric eut la gloire d'introduire en Chrétienté fut insupportable au zèle orthodoxe des Italiens; respectant l'hérésie armée des ariens, leur pieuse rage se tourna sans danger contre les riches Juifs sans défense. A Naples, Ravenne, Rome, Milan et Gênes leurs personnes furent in-sultées, leurs biens pillés, leurs synagogues brûlées par la populace et comme les auteurs s'étaient perdus dans la foule, la communauté entière fut con-damnée à réparer les dégâts, les bigots têtus s'y refusant furent fouettés dans les rues. Cet acte de simple justice exaspéra les catholiques.

 

HEBREUX