OCCITANIA, mon pais (outsitanio, moun païss)

Jean-François Faü, in Archéologia, n° 331, Février 97, traite du judaïsme languedocien (pas la totalité, loin de là) La carte jointe montre des synagogues à Mende, La Réole, Peyrusse & Sauve, une mikvé à Montpellier, des vestiges de quartiers juifs à Toulouse, le Puy, Pézenas & Perpignan, des vestiges lapidaires à Toulouse, Lunel, Avignon, Narbonne & Béziers. Peu, si peu. On y voit quelques photos: La rue de la Juiverie du ghetto de Pézenas, le déshabilloir de la synagogue de Montpellier, la tour de la "synagogue" de Peyrusse le Roc, la cour de la synagogue de Mende, des chapiteaux en remploi sur la façade orientale de la synagogue de Sauve, ainsi que la pauvre façade de cette dernière, toutes prises par l'auteur. Plus deux cartes postales: la porte de la rue des Juifs d'Agen et celle de la juiverie à Pézenas, toutes deux détruites au 20e siècle. Le progrès !

De même, un plan du centre de Toulouse m'apprend que j'y vécus (à mon insu) au bord du quartier juif médiéval, près de la synagogue (disparue, vendue en 1310, après l'expulsion des Juifs) de la rue Joutx-Aigues, en réalité, rue Jusaïgas (judaïque) à deux pas des magasins de mes oncles, ruinés avec mauvaise foi par le fisc toulousain vers 1960, envoyant sans états d'âme une dizaine d'ouvriers au chômage. Grosso modo, entre les rues de Languedoc et des Paradoux, du marché des Carmes à la place Esquirol. Pourtant, vers 1960, des Juifs y vivaient, il y avait une boutique cachère et un fourreur polonais, rue des Filatiers.

Dans "le secret des Cathares" de Gérard de Sède (J'ai lu, 1974), p. 19 "On peut voir à Alet (25 km S. Carcassonne) sur la grand'place, une vieille maison qu'on appelle la Synagogue", Grâce à ces indications, je complète mes chronologies (voir in fine)

Provençaux et Languedociens devraient lire: les Juifs à la fin du Moyen-Age de Maurice kriegel qui démontre le rôle de pont entre science arabe et occident chrétien que les savants juifs occitans, traduisant l'arabe en hébreu et latin, ont joué jusqu'au 15e siècle, ajoutant leurs propres découvertes en médecine, mathématiques, philosophie etc… Les navigateurs ont utilisé pendant des siècles le "bâton de Jacob", instrument simple inventé par Jacob de Lunel pour connaître la hauteur du soleil  de midi sur l'horizon, qui indique la latitude. La lecture de cet ouvrage devrait être obligatoire dans toutes les écoles du Midi lepéniste.

Les militants occitanistes se lamentent à juste titre de l'extinction rapide de notre belle langue. Bien sûr, si les seuls intérêts d'une langue étaient: utilité, facilité, logique, le monde serait espérantiste ou emploierait un langage universel des signes. La base, c'est le prestige: politique, scientifique, technique ou littéraire. Mais aussi historique. Accomplir le 5e commandement du Décalogue: "tes père et mère honoreras", c'est déjà une bonne base, car c'est les trahir que mépriser leur "patoès". Il y a une justice: Alors que la logique plaidait pour espéranto, chinois ou latin, les langues impérialistes: français, espagnol, italien, grec, russe, et j'en oublie, ennemies des patois, jargons et langues régionales, sont à présent victimes du même phénomène, l'anglais est la "lingua franca" du monde entier. Mais quel anglais ! Dickens ou même Kipling auraient peine à entraver couic à cet argot poisseux !

Certains le déplorent, oubliant le temps des "simbols" qui châtiaient les patoisants. A présent, nous sommes tous, plus ou moins à la même enseigne. N'ayons donc plus honte de "noste lengatge bel", ignorant notre propre histoire. J'ai lu ainsi une "Histoire d'Occitanie" d'un bon écrivain, 30 ou 40 pages, pleines de vide. La plupart des Occitans ignorent que l'épanouissement du "beau-moyen-âge" fut dû, surtout, aux contacts entre la civilisation musulmane et l'Occident, où des Occitans, souvent juifs, jouèrent un rôle majeur. Si la tolérance occitane fut l'une des raisons de leur rayonnement et leur prospérité, elle fut aussi l'un des motifs principaux, mais inavoués, du génocide baptisé "croisade des Albigeois" et l'origine de l'Inquisition. Gérard de Sède, si dénigré, est un des rares à l'avoir souligné.

L'histoire et l'archéologie d'Occitanie, juive ou non, restent mal connues. Au lieu d'étudier diffuser et glorifier la poésie et l'histoire non maquillées de nos ancêtres, des occitanistes semblent plutôt se complaire à des controverses, certes passionnantes, mais pour un public fort restreint, sur la place des accents toniques et la valeur des graphies concurrentes. Ou à des souvenirs d'enfance, si attendrissants.

Plus des lamentations sur le désintérêt inexplicable du public (pareil pour le yiddish, l'alsacien et le breton, je sais de quoi je parle). Résultat prévisible: personne (ou presque) ne lit nos revues qui ont oublié la seule fois où l'Occitanie faillit susciter un grand intérêt populaire: après le téléfilm de Santelli sur les Cathares.

Or, notre histoire ne se borne pas à cette agonie spectaculaire. Loin de là. Le malheur, c'est que Gaulois, Wisigoths, Khazars, Bretons, Occitans ou Juifs, nul ne s'y intéresse, les traces sont rares, et leurs descendants s'en foutent. La radio, puis la télé ont tout raboté. Même les Alsaciens semblent avoir oublié que notre richesse, c'est d'abord notre passé, quoiqu'il soit trop souvent taché de sang et/ou de merde.

un passe-temps ringard et démodé

Tabou rarement enfreint: ne pas chercher causes et conséquences d'un événement donné. Je ne puis donc que m'y lancer, car si l'une des causes de la "Croisade des Albigeois" fut la tolérance des Occitans[1] envers Arabes et Juifs qui venaient s'y abriter des tracas et persécutions tant arabes (en Espagne) que françaises, il y a un lien plus lointain entre Cathares et Juifs: l'intolérance byzantine orthodoxe, suivie de l'intolérance catholique.

Exemple, "Le manichéisme médiéval" de Steven Runciman, montre l'enchaînement de causes et conséquences qui conduisirent à la croisade. Des études récentes supposent que les massacrés étaient meilleurs chrétiens que les inquisiteurs, qui baptisaient "hérétiques" ceux qui voulaient vivre selon les Evangiles.

On peut donc supposer:

- Les Galates devenus esséniens, puis karaïtes, émigrent en Crimée, judaïsent les Khazars

- Les Grecs devenus Byzantins, persécutent les Juifs et aident les Rous à battre les Khazars, incitant les Turcs à envahir l'Anatolie. Ils appellent les Francs, dont certains importent en Occitanie des doctrines anti-ecclésiastiques, nées de persécutions bigotes, ce sport national grec.

- Papes et rois, prétextant lutter contre l'hérésie détruisent cette civilisation et créent l'Inquisition qui ronge la Chrétienté durant des siècles.

La flamme du bûcher de Monségur (1244) attisera la Réforme, les Lumières, la Terreur, le marxisme les fascismes et la plupart des fanatismes.



[1] Pourtant, vers 1170, Benjamin de Tudèle ne rencontrera que des poignées de Juifs à Barcelone, Montpellier et Marseille, à mon grand étonnement, puisque leur "trop grand nombre" dans le Midi semble avoir été, peu de temps plus tard, l'un des prétextes inavoués de la croisade-génocide albigeoise

HEBREUX