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LA CISJORDANIE: UN TERRITOIRE CONTESTÉ

Enserrant le Jourdain à l'est et le mur couleur d'ambre de Jérusalem à l'ouest, s'étirant au nord jusqu'aux villes et aux vallées de Samarie et, au sud, jusqu'aux collines accidentées de Judée, la Cisjordanie peut être considérée comme le centre géographique du Moyen-Orient et l'épicentre de toutes les tensions incar­nées à l 'heure actuelle par cette région du monde. Elle est située au cœur même de la Terre sainte et renferme des lieux aussi révérés que Bethléem, Hébron, Shiloh et Jéricho. Des siècles durant, juifs, chré­tiens et musulmans sont venus leur rendre hommage et, aujourd 'hui encore, des pèlerins du monde entier affluent sur ces sites sacrés qui, dispersés dans toute la région, sont souvent revendiqués par plus d'une religion et sont devenus l'expres­sion matérielle (immédiate de conflits séculaires. Plus d'un millénaire écoulé n'a pas suffi à dissiper les tensions dans ce territoire contesté.

La discorde entre Arabes et Israéliens semble porter exclusivement sur le statut de la Cisjordanie et des neuf cent mille Palestiniens qui vivent là. On peut mesu­rer de bien des manières les implications de ce conflit mais, en clair, chacune des deux parties redoute une usurpation par l'autre de ses droits sur ce territoire.

La Cisjord511ie ne fait pas partie inté­grante de l'Etat d'Israël. Mais dans la mesure où elle est sous le contrôle de l'administration israélienne depuis la guerre des Six-Jours (en 1967), c'est à partir de ce pays qu'elle est le plus facile­ment accessible, et l'on peut s'y rendre sans difficulté en empruntant les axes routiers locaux. La Cisjordanie reste cependant une entité spécifique et le voyageur a tout intérêt à se tenir au cou­rant de l'actualité avant de franchir ses frontières.

En 1948, après que la Jordanie, l'Égyp­te, l'Irak, la Syrie et le Liban eu_ent déclaré la guerre au tout nouvel Etat d'Israël, Jérusalem Est et les territoires arabes de la rive ouest du Jourdain échu­

rent à la Jordanie. En 1950, la Jordanie annexa officiellement cette région, d'où le nom de Cisjordanie.

Cette même année l'UNRWA (United Nations Relief Works Agency) prit la res­

ponsabilité de « veiller à la sécurité des

réfugiés palestiniens jusqu'à ce qu'une solution politique soit trouvée pour la

réinsertion des populations déplacées ». La Cisjordanie s'est trouvée sous occupa­tion israélienne à partir de 1967. Ce n'est qu'en 1994 que furent accomplis les pre­miers pas sur le chemin d'une restitution graduelle des territoires occupés au peuple palestinien, à commencer par la ville de Jéricho et la bande de Gaza. Ce processus a été interrompu par le chef du nouveau gouvernement Benyamin Netanyahou refusant en particulier l'éva­cuation d 'Hébron par les forces israé­liennes prévue aux accords de paix.

Géographiquemen!, la Cisjordanie est en plein cœur de l'Etat d'Israël, ce qui rallonge sensiblement les communica­tions avec des communautés comme Ein Gedi, sur la mer Morte, ou Tibériade, en Galilée, et qui pose un problème straté­

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Pages précédentes.. un troupeau de moutons réintègre sa bergerie dans

un village de Galilée. Ci-dessous, une nouvelle colonie en construction.

gique. Les hautes collines de Cisjordanie permettaient aux Jordaniens une sur­veillance facile et un accès commode aux basses plaines israéliennes, et, par endroits, le long de la côte méditerra­néenne, au-dessus de Tel-Aviv, le terri­toire israélien se limitait à une bande de moins de 15 km de large.

Dans la nuit qui suivit le début de la guerre de 1967, Tel-Aviv fut bombardée depuis la ville de Kalkilya, alors sous contrôle israélien, juste de l'autre côté de la frontière. A l'issue de la guerre d'une semaine qui s'ensuivit, Israël reprit le contrôle de la région. S'emparer des anciennes places fortes arabes et des montagnes dominant la vallée du Jourdàin était un formidable avantage stratégique. Les Israéliens en convinrent tous, mais les dissensions commencèrent à se faire jour quant à l'avenir de ce terri­toire et des populations arabes rétives qui l'habitaient.

Outre le système de défense électro­nique complexe qu'il a installé dans la vallée du Jourdain, le gouvernement israélien y a établi de nombreu_ postes de

LA CISJORDANIE: UN TERRITOIRE CONTESTÉ 233

défense avancés qui sont devenus de véri­tables colonies. Ces foyers de présence juive se justifiaient sans doute à l'origine, comme mesure de sécurité, mais ils ouvrirent la voie à des installations ulté­rieures, fondées sur des revendications religieuses et nationalistes remontant à 1900 av. J-C., lorsque les Patriarches vivaient encore en terre de Canaan.

Comme pour la plupart des événements en Israël, le sort démographique de la Cisjordanie dépend en grande partie des négociations politiques. En 1977, lorsque la coalition du Likoud arriva au pouvoir, sa priorité fut le peuplement de la Cisjordanie, et de la Samarie en particu­lier, où résident d'importantes popula­tions arabes. Son objectif était d'atteindre les cent mille colons israéliens en 1985. A ce jour, le total s'élève environ à soixante mille.

Lorsque le gouvernement d'Union nationale prit les rênes du pays, en 1984, ce projet de développement fut arrêté. Mais les implantations programmées ou en cours de construction ont été mainte­nues. Et si l'on voyage en voiture, on peut encore voir, perché au sommet d'une colline surplombant un village arabe, un énorme panneau annonçant la construc­tion d'une nouvelle résidence d'appar­tements en copropriété, avec piscine, courts de tennis et centre commercial. En réalité, ces implantations israéliennes sont des complexes résidentiels qui offrent à leurs habitants toutes les facili­tés en matière de commerce, d'écoles, de loisirs, et d'emploi.

La tension entre les Palestiniens et ces nouveaux colons s'est aggravée, notam­ment depuis le déclenchement de l'Intifada en décembre 1987. Mais, en tant que touriste, vous ne risquez pas d'en être la cible, surtout si vous vous conten­tez de suivre les routes principales et si vous apprenez quelques mots d'arabe. Des vêtements sobres sont recommandés et les femmes seules seront avisées de prévoir une escorte. Entre les postes de l'armée et les camps de réfugiés, une incursion en Cisjordanie provoque néces­sairement une prise de conscience poli­tique. Mais le paysage est en grande partie inchangé depuis le temps d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, de David ou de Jésus.

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LA SAMARIE

Lorsqu'on quitte Jérusalem par l'auto­route Jérusalem-Jéricho, les traces de civilisations successives abondent dans les collines de Samarie, qui sont d'une blancheur de craie à la lumière du jour et prennent des reflets de bronze au coucher du soleil.

Des réfugiés et des ruines

Dans la direction du nord, à quelques kilomètres de Ramallah, Shofat est le plus important des camps de réfugiés palestiniens dans les territoires occupés. Pour la majorité de ces réfugiés, l'aide fournie par l'UNRWA (United Nations Relief Works Agency) en matière de logement, de soins médicaux, d'aide sociale ou d'éducation est primordiale. Parmi les services offerts par cet organis­me, de nombreux centres de formation professionnelle, comme le Women's Training Center de Ramallah, dont les cours répondent aux besoins de l' écono­mie du Moyen-Orient. Ramallah, la ville la plus riche de Cisjordanie, est l'illustra­tion même des problèmes posés par la présence israélienne depuis 1967. On ne compte plus les pneus brûlés, les écoles fermées et les couvre-feux imposés par les Israéliens depuis le début de la guerre des Pierres en 1987.

A 12 km au nord se trouve Bir Zeit, la plus grande des cinq principales universi­tés palestiniennes de la rive ouest du Jourdain. Construite par les Israéliens en 1972, c'est un centre actif d 'hostilité et d'opposition au gouvernement israélien. Et les fermetures, volontaires ou impo­sées, sont plus que fréquentes.

Si l'on quitte Ramallah vers le nord, en direction de Naplouse, on traverse un paysage en terrasses, dont le calcaire retient sur les contreforts des collines toutes les richesses minéralogiques du sol. Des oliviers noueux, bordés de fleurs, confèrent un charme particulier à ce pay­sage. Les olives sont récoltées par les fer­miers locaux qui les transportent vers les villages, où elles sont ensuite pressées.

En suivant la route de Naplouse, on aprecevra deux villes perchées au som­

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LA SAMARIE 235

met des collines: Bethel et Ai. Bethel figurait déjà dans les premiers récits bibliques: c'est le site où Jacob rêva d'une échelle conduisant au Paradis. Et c'est en ce lieu qu'il érigea un autel, bap­tisé Beit El, ou « Maison de Dieu». C'est ici également que fut conservée l'Arche d'alliance, jusqu'à l'époque des Juges. Ai est l'une des premières villes conquises par Josué et les Israélites, lors de leur conquête militaire du pays de Canaan.

La ville antique de Shiloh se dresse à mi-chemin entre Naplouse et Bethe!. Selon la Bible, c'est à Shiloh que la terre d'Israël fut partagée entre les douze tribus et que les cités leur furent attribuées. Au XIe siècle av. l-c., Shiloh était le centre religieux des tribus israélites et, pendant plus de deux siècles, ce fut le site sacré de l'Arche d'alliance. C'est aussi dans la ville de Shiloh que le grand prophète Samuel est né et a « grandi sous le

regard du Seigneur» (1 Samuel 2, 21). Mais les Philistins battirent les Israélites, s'emparèrent de l'Arche et réduisirent la ville en cendres. Aujourd'hui, le site de Shiloh s'étend sur moins de 8 acres, mais les archéologues y ont mis au jour des vestiges de civilisation datant de l'âge de bronze (1600 av. l-C.).

A quelque 48 km au nord de Ramallah se trouve Naplouse (en hébreu, Shechem), une ville importante en bien des sens. En dehors du fait qu'elle est la plus grosse ville de la rive ouest du Jourdain, avec quatre-vingt-cinq mille habitants, elle renferme une foule de sites à résonance biblique. De loin, Naplouse évoque un tableau pointilliste, avec une multitude de portes bleues, encadrées par des maisons sagement alignées sur les flancs d'une colline. Mais si l'on s'approche, on est assailli par une caco­phonie de sons qui émanent d'une ville très animée: klaxons, appels du muezzin qui convie les fidèles musulmans à la prière, et youyous stridents des femmes arabes.

Riche en histoire, le site originel de Naplouse se trouve à l'est de la ville actuelle. Il est mentionné dans la Genèse comme le lieu où Jacob aurait planté sa tente. Le puits de Jacob est toujours utilisé par les habitants de Naplouse. D'après l'Evangile selon saint Jean


 

236 ITINÉRAIRES

(4,25-26), c'est ici que Jésus fit une halte pour se rafraîchir et qu'il rencontra une Samaritaine qui tirait de l'eau du puits. « Je sais que le Messie est arrivé et qu'il

se nomme Christ », lui dit-elle; ce à quoi Jésus répondit: « Celui qui te parle n'est autre que lui. »

Tout près, la tombe de Joseph est un lieu saint pour les musulmans, qui pen­sent qu'elle renferme les os du grand

homme « dans une parcelle de terre que

Jacob acheta aux fils de Hamor, le père

de Shechem » (Josué 24, 32). Mais il existe un autre cénotaphe de Joseph, au tombeau des Patriarches, à Hébron. Parmi les découvertes archéologiques à proxi­mité de la ville, il faut citer les fondations

de temples cananéens et une yeshiva antique, aujourd'hui gardée par des sol­dats israéliens.

Au temps des Juges, Abimélech, le fils de Gédéon, se fit proclamer roi de cette cité. Quelque deux cents ans plus tard, en 928 av. l-c., les dix tribus du Nord firent appel à Jéroboam pour régner de Dan à Bethel et, pendant plusieurs années, Shechem servit de capitale au nouveau

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royaume du Nord. Si l'on remonte encore dans 1 'histoire biblique, Abraham s'arrêta probablement à Shechem, juste après son entrée en Canaan, et certains croient que c'est précisément ici que fut instaurée l'Alliance sacrée entre Dieu et 1 'Homme.

Les Samaritains

Dressés comme deux piliers de portail, à l'entrée sud-est de Naplouse, se trouvent deux sommets jumeaux historiques: le mont Ebal et le mont Gerezim. Moïse, déjà, parlait d'eux, bénissant le mont Gerezim et maudissant le mont Ebal.

Le mont Gerezim est aujourd'hui le centre de la religion samaritaine. Les ori­gines de la secte remontent à l'époque oùles Assyriens balayèrent le royaume du Nord, en 720 av. J.-C. A leur retour d'exil, en 538 av. l-c., les Juifs rejetèrent les Samaritains en raison de leurs mariages mixtes avec les conquérants, bien qu'ils eussent continué à se réclamer d'une stricte adhésion à la loi mosaïque. Aujourd'hui, près de deux cent cinquante des cinq cents Samaritains existants (ils étaient encore des dizaines de milliers au Moyen Age) fêtent la pâque juive avec une rigueur qui intrigue les Israéliens reli­

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L'imposante capitale d'Omri

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A un peu plus de 10 km au nord de Naplouse se trouve le site de l'une des ruines les plus impressionnantes de toute la Terre sainte: Sebastiya. Connue jadis sous le nom de Samaria, cette ville antique était la capitale du royaume du Nord au moment de l'accession au pou­voir d'Omri, en 881 av. l-c. Lui et son fils, le méchant Achab, construisirent des palais et des temples magnifiques, à l'intérieur d'une enceinte circulaire forti­fiée. Achab y ajouta également des orne­ments et des temples dédiés à Baal et àAstarté, figures de culte honorées par Jézabel, son épouse et reine, originaire de Sidon. Cette trahison du monothéisme prqvoqua la colère du Seigneur et la fuite

d'Elie, qui devait se terminer sur le mont Carmel.

Les vestiges du palais d'Achab côtoient les marches imposantes qui conduisaient au temple d'Auguste érigé

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par Hérode, dans les années 30 av. J.-C. Les ruines ont conservé la noblesse archi­tecturale qui caractérise les bâtiments construits sous Hérode.

On admirera aussi parmi les ruines de Sebastiya un immense hippodrome, une acropole, une basilique, et de nombreux vestiges de murailles israélites et d'époque héllénistique. Et la voie bordée de colonnades est une réminiscence majestueuse de l'opulence antique de Sebastiya.

Dans le village arabe de Sebastiya, situé juste à l'extérieur des fortifications romaines, se trouvent les ruines d'une cathédrale du XIIe siècle construite par les croisés. Elle serait éri,gée sur les tom­beaux des prophètes Elisée et Abdias, ainsi que sur celui de saint Jean Baptiste. Ce site est aujourd'hui inclus dans la mosquée de Nabi-Yaya (construite par Saladin), qui abrite une petite pièce cen­sée renfermer la tête de saint Jean Baptiste.

Si les nomades vivent en groupe dans le désert de Judée et en Samarie, il n'est pas rare de voir une tente bédouine isolée,

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LA SAMARIE 237

d'où émerge une antenne de télévision

avec un camion garé juste devant. Le_ jeunes enfants bédouins, qui arborent le plus souvent des vêtements très colorés, sont de plaisants sujets photographiques et se prêtent volontiers à ce jeu. Le photo­graphe en sera seulement quitte pour dis­tribuer quelques shekels.

Un ermitage caché

Sur la route qui conduit à Wadi Kelt, en direction du sud-est, le silence est si pur qu'il résonne presque à l'oreille. Depuis mille six cents ans, depuis l'époque des Patriarches, des moines vivent ici, dans ce lieu surréaliste où les méandres du Wadi-Kelt (wadi signifiant oued) se déroulent au fond d'une gorge très encaissée, dans le canyon qui relie Jéricho à Jérusalem. Tout au long des 35 km de ce parcours, on peut voir des ruines surplombant d'autres ruines, des monastères, des grottes inquiétantes et des sources surprenantes. Les rochers sont percés de petits alvéoles creusés à même la montagne qui sont, en fait, des

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238 ITINÉRAIRES

cellules d'isolement pour les moines qui vivent là des fruits d'un jardin situé à proximité d'un ruisseau. Le monastère Saint-Georges est un monastère grec orthodoxe qui date d'un peu plus d'un siècle, mais la communauté qui y vit est bien plus ancienne.

Au sud de Jéricho, près de l'autoroute Jérusalem-Jéricho, se trouve la mosquée de Nabi-Musa, une vision inattendue, comme sortie de nulle part. Les musul­mans viennent ici en pèlerinage sur la tombe de Moïse. Dans le Deutéronome (34, 1-6) il est écrit que Moïse fut

« enterré dans une vallée, dans le pays

de Moab, mais [que] nul homme ne sait

à ce jour où se trouve sa sépulture ». Une vieille tradition, qui remonte aux pre­

miers pèlerins chrétiens, la situe pourtant ici même. Les Mamelouks construisirent cette mosquée au XIIIe siècle, et construi­sirent un important cénotaphe à Moïse.

Les murs de Jéricho

Jéricho, que l'on considère généralement comme la première communauté agricole

du monde antique, s'est aujourd'hui de nouveau consacrée à l'agriculture. Implantée dans une oasis, en plein milieu d'une zone quasi désertique, la végétation de Jéricho est alimentée par des sources souterraines qui sont le secret de son endurance.

Par le passé, des hommes d'État

célèbres ont choisi cette ville comme lieu de villégiature. L'un de ces hommes était Hisham, le dixième calife omeyade, qui fit construire au VIlle siècle le fabuleux palais Hisham, ou Khirbet el Mefjer, à 3 km environ de la ville. En fait, ce palais fut surtout la résidence d'été de Walid 1er, son neveu et successeur. Un énorme aqueduc transportait l'eau en pro­venance des sources voisines d'Ein Dug, jusqu'à une citerne qui assurait l' approvi­

sionnement du palais. Les sculptures et les piliers monumentaux sont magni­fiques et les sols sont un exemple des plus belles mosaïques islamiques de cette époque.

La ville antique de Jéricho, la plus vieille ville du monde, s'étend sous l'actuel Tel es Sultan - les ruines

Le monastère Saint­Georges, accroché au flanc de la falaise, surplombe la vallée du

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Sur la même

       rivière

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   voisinent

       un site

     chrétien

et un point

stratégique

    israélien

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ne passionneront que les archéologues avertis.

Le livre de Josué dans l'Ancien Testament (Josué 6, 1-16) relate la prise de Jéricho par les Israélites après sept jours de siège, grâce au son des trom­pettes des prêtres qui firent tomber les remparts.

Des fouilles archéologiques ont confir­mé que les ruines de l'antique ville remonteraient à 7000 av. J.-c., époque à laquelle les premiers habitants, vivant de la chasse et de la cueillette, réussirent la transition vers une vie sédentaire en prati­quant les premiers l'agriculture. Les ruines de Jéricho sont les seules connues à ce jour datant de l'âge de la pierre.

De 1'autre côté de la route, en face de Tel es Sultan on situe la fontaine Élisée, qui, d'après les juifs, aurait été purifiée par le prophète Elisée après que la popu­lation l'eut accusée d'être nuisible aux moissons. Les Arabes y font aujourd'hui référence sous le nom de Ein es Sultan.

L'actuelle Jéricho est une ville un peu assoupie, de près de sept mille habitants, dont l'activité essentielle est confinée au

LA SAMARIE 239

centre-ville. Ici, hommes et femmes se rassemblent pour s'asseoir sur des tabou­rets de rotin, bavarder, siroter un café ou jouer au jacquet. Les marchés resplendis­sent de fruits et de légumes, et l'on y trouve des régimes de bananes ou de dattes fraîches et délicieuses.

C'est au sommet du mont de la Tentation (surnommé mont de la Quarantaine par les croisés), dans le désert torride qui environne cette petite ville, que Jésus fut tenté trois fois par Satan. Accroché au rocher, se trouve un monastère grec orthodoxe qui fut construit devant la grotte où Jésus, dit-on, jeûna pendant quarante jours et quarante nuits.

Le long du Jourdain

A environ 10 km à l'est de Jéricho, à un gué au nord de la mer Morte, connu sous le nom d'AI-Maghtes, Jésus fut baptisé à

l'âge de trente ans : « ... Et il advint en

ces temps que Jésus arriva de Nazareth en Galilée, et fut baptisé par Jean, dans

le Jourdain. » (Évangile selon saint Marc l, 6-9). Il n'est donc pas surprenant que ce site, désigné comme site du Baptême, soit devenu aujourd'hui un lieu de prédi­lection pour les baptêmes chrétiens.

Mark Twain décrivit un jour le

Jourdain comme un fleuve « si tortueux qu'un homme ne peut savoir, la moitié du temps, sur quelle rive il se trouve. Sur un parcours de 90 miles, il n'avance guère que de 50 miles sur terre ».

Le pont Allenby est le point de pas­sage de la rivière 'entre la Cisjordanie et le royaume hachémite de Jordanie. Pendant la guerre de 1967, le pont, réduit à un simple échafaudage, fut envahi par les Palestiniens qui fuyaient la rive ouest du Jourdain pour entrer en Jordanie. Depuis, le pont a été reconstruit, et le trafic est contrôlé par la Sécurité israélienne.

Aujourd'hui, le pont Allenby est le sas de sortie de la production cisjordanienne vers les marchés du monde arabe. Sur la rive occidentale du pont; de jeunes recrues israéliennes fouillent méticuleu­sement les sacs, les colis et les affaires personnelles de tous les voyageurs. Le poste frontière armé, situé juste en avant, rappelle que les deux nations sont tou­jours officiellement en état de guerre.


 

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LA JUDÉE

Il n'existe aucune frontière marquant la transition entre les collines de Samarie et celles de Judée, toutes les deux faisant partie de la même arête centrale, qui s'étend depuis les hauteurs de Ramallah, au nord, à travers les cités judéennes de Bethléem et de Hébron. Les collines de Judée évoquent de nombreuses légendes, dont la source remonte à l'Ancien comme au Nouveau Testament. A l'est, marquant l'aboutissement de la chaîne dans la faille de la vallée du Jourdain, s'étend le désert de Judée, qui servit au cours des siècles de refuge aux prophètes, aux moines et aux rois d'Israël.

La Judée est aussi insaisissable que révérée; tout autour de vous, les collines vallonnées vous rappellent que vous êtes dans le pays de la Bible et semblent démentir les tensions violentes que cette même terre a du mal à contenir.

Si vous abordez Bethléem par le nord, vous pourrez voir le tombeau de Rachel, femme du patriarche Jacob et mère de Benjamin. C'est un des lieux saints les plus importants du judaïsme et c'est un lieu de culte à la fois pour les Juifs et pour les musulmans. Le modeste dôme qui abrite le site fut reconstruit par le phi­lanthrope britannique sir Moses Montefiore, en 1841, à l'endroit même où

l'on raconte que «Jacob érigea un pilier sur la tombe ».

Bethléem et les lieux saints

C'est à Bethléem, des siècles après Rachel, lors de la saison des moissons, que Ruth, la belle veuve, rencontra Booz et l'aima. Leur arrière-petit-fils, David, né à Bethléem et élevé dans ces mêmes champs, dev-int le fameux roi-poète d'Israël. A la lisière orientale de Bethléem, se trouve le champ de Ruth, tout près du village arabe de Beit Sahur (maison des Bergers). On dit aussi que c'est le champ des bergers, où l'ange apparut aux bergers « qui surveillaient

leurs troupeaux la nuit » pour leur annon­cer la naissance de l'enfant Jésus.

Dans la rue Manger, qui conduit direc­tement au cœur de la ville, au bout d'une

LA JUDÉE 241

volée de marches, vous trouverez trois énormes citernes d'eau, taillées à même le roc : on prétend qu'il s'agit du puits de David. Lorsque David combattit les Philistins, il se trouva un jour ici, dans leur garnison, et la soif lui arracha ces

pleurs: « Oh, si je pouvais boire de

l'eau du puits de Bethléem, celui qui se

trouve près de la porte de la ville! » Mais, se voyant offrir de l'eau tirée du puits de ses ennemis, « il refusa de la boire et la

versa en offrande au Seigneur» (2e Livre de Samuel 23, 13-17).

De nos jours, ce sont les cloches, la musique et les églises qui font le charme de Bethléem. En suivant la route, on aboutit à la place Manger - une large place en plein cœur de Bethléem, devant l'église de la Nativité, à laquelle on ac­cède en se baissant, par une petite entrée, réduite à cette échelle par les croisés, pour empêcher tout cavalier d'y pénétrer, et rétrécie encore par la suite.

La basilique originelle fut construite en l'année 325 par l'empereur Constantin, à l'emplacement de la grotte révérée dans la tradition chrétienne comme étant le lieu de naissance de Jésus_ Cette grotte

fut mentionnée dans les Ecritures par saint Justin, quelque cent ans après la naissance de Jésus. La plus grande partie des structures intérieures, y compris les poutres en bois de la charpente centrale, date de l'empereur Justinien, qui fit reconstruire l'église au VIe siècle.

Devant l'église, au bas des marches, se trouve la grotte de la Nativité, dont l'autel est constitué par une mosaïque à peine identifiable, datant du XIIe siècle. Une étoile d'argent scintillante orne le sol

de cet espace réduit et porte une inscrip­tion en latin datée de 1717 : Hic de virgi­

ne Maria Jesus Christus natus est (Ici est né Jésus-Christ, fils de la vierge Marie). A côté de cette grotte dorée se trouve la chapelle de la Crèche, où Marie déposa le nouveau-né.

L'église de la Nativité est reliée à plu­sieurs autres églises de dénominations diverses. La plus fréquentée, la veille de Noël, est l'église franciscaine Sainte­Catherine (construite en 1881), d'où est retransmise chaque année, dans le monde entier, la messe de minuit.

Après avoir traversé la grotte du lait vous atteindrez la chapelle de la Grotte


 

242 ITINÉRAIRES

du Lait. Selon la tradition chrétienne la Sainte Famille aurait trouvé refuge dans cette grotte, et Marie allaitant l'enfant Jésus aurait laissé couler un peu de lait sur le sol en pierre de la grotte, qui en a conservé la couleur laiteuse à jamais. Aujourd'hui, on vend aux pèlerins des parcelles de ce sol qui sont censées favo­riser un meilleur allaitement. De cet endroit, la perspective sur le champ de Ruth et le désert de Judée est saisissante.

Dans toute la ville, mais plus particu­lièrement aux abords de la place Manger, les vendeurs proposent un large échan­tillonnage d'articles religieux. Ils sont tous flambant neufs, mais inspirés de l' artisa­nat traditionnel, souvent en bois d'olivier, en céramique ou en pierre de Jérusalem.

Un regard vers le nord de la ville et sur le dédale des maisons qui s'agrippent aux collines abruptes vous confirmera que Bethléem est restée une ville sainte aux yeux de vingt mille Arabes chrétiens qui y vivent aujourd'hui. Parmi les diverses institutions religieuses installées ici, on trouve une université de langue arabe, dirigée par un. ordre catholique, The

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Brothers of Christian Schools. Connue sous le nom d'université de Bethléem, elle a été fondée avec l'assistance du gou­vernement israélien.

Les châteaux du désert

A 8 km à l'est de la ville, se trouve la citadelle d'Hérodion, qui est sans doute l'illustration la plus spectaculaire des concepts architecturaux d'Hérode. A la suite de ses nombreuses conquêtes, Hérode sentit la nécessité de faire construire un refuge sûr, où il serait à l'abri de ceux qui pourraient chercher à se venger. Et Hérodion n'a certainement rien d'un lieu ouvert. Un mur d'enceinte circulaire, ponctué de quatre postes de garde équidistants, protège le vaste espa­ce vital qu' Hérode s'était réservé, ainsi qu'une maison de bains. On trouve égale­ment sur le site une source chaude, des arcades et une synagogue.

Depuis la citadelle d'Hérodion, la vue est un véritable kaléidoscope de la région. Jérusalem s'étale au nord, Bethléem à l'ouest, et la mer Morte scintille aux

A gauche, bas-relief de la grotte du Lait,. ci­dessous, la citadelle d' H érodion.

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Le monas­

     tère de

Mar Saba.

confins du désert de Judée, au sud et à l'est. Selon les historiens, tout comme à Massada, les Juifs qui se révoltèrent dans cette région choisirent de se donner la mort plutôt que de tomber entre les mains des Romains. Mais comme les zélotes de Massada, les occupants juifs de cette for­teresse résistèrent jusqu'au bout.

Plus loin encore, encaissé entre les parois du canyon qui surplombent la rivière du Cédron, au nord-est, se trouve le monastère de Mar Saba.

A la fin du ve siècle, saint Sabas se re­tira dans ce coin perdu du désert pour prier et étudier. En 492, il y établit un monastère. Mais au cours du VIle siècle, les Perses et les Arabes démolirent le monastère et assassinèrent les moines. Mar Saba fut cependant reconstruit et, au début du vme siècle, le théologien Jean de Damas se retira sur ce site. Les écrits qu'il y rédigea mettaient l'accent sur les différences entre la chrétienté et l'islam. De nos jours, l'intérêt le plus évident de cet ermitage est l'énorme muraille forti­fiée qui entoure le complexe. A l'inté­rieur, on peut voir les reliques de saint

LA JUDÉE 243

Sabas. Au XIIe siècle, les croisés avaient emporté le corps du saint à Venise, mais en 1965, le pape Paul VI le restitua au monastère. On peut également y voir les crânes des centaines de moines tués par les Perses en 614. L'entrée du monastère n'est pas autorisée aux femmes.

Sur le sentier qui conduit à Mar Saba se trouve l'église Saint-Théodose. Le monastère fut construit en 476 par saint Théodose le Cénobiarque, à l' emplace­ment où les trois Rois mages auraient fait une halte après avoir rendu hommage à l'enfant Jésus. Dans la crypte vous pour­rez voir le tombeau de saint Théodose, mort en 529, à l'âge de cent cinq ans.

Sur le chemin du retour vers Bethléem, se dresse un autre monastère fortifié, Mar Élias. Érigé sur le lieu où le prophè­te Élie s'endormit après avoir fui Jézabel, il fut restauré par les croisés au XIe siècle et servit de poste frontière durant les

années où la rive ouest faisait partie de la Jordanie, entre 1948 et 1967.

A 25 km environ de Bethléem, sur la route du sud qui mène à Hébron, se trou­vent les citernes vert sombre connues

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sous le nom de vasques de Salomon. La tradition les attribue aux architectes du grand roi juif, au xe siècle av. J.-c., mais les archéologues pensent qu'elles datent plus vraisemblablement de l'époque d'Hérode. Quoi qu'il en soit, un aqueduc transportait l'eau de la région vers Jérusalem.

Hébron, la passionnée

A près de 16 km au sud de Bethléem se trouve Hébron, l'une des plus vieilles villes du monde. Si Hébron évoque des siècles et des siècles d'histoire, son agri­culture et sa communauté urbaine sont très progressistes. Les fermiers locaux, les éleveurs de chèvres et de moutons, et l'industrie alimentaire ont fait un grand bond en avant en adoptant des techniques modernes. S'il n'est pas rare de voir encore des hommes et des femmes tra­vaillant dans les champs avec des outils traditionnels, la plupart des fermiers ont bénéficié d'une formation et d'un soutien spécifique des ministères israéliens de l'Agriculture et de l'Éducation.

La ville est également équipée d'une université islamique importante, fréquen­tée par près de deux mille étudiants arabes. Existant depuis 1971, cette insti­tution assure la promotion de la culture et du nationalisme palestiniens, au grand regret des autorités israéliennes qui se voient très souvent contraintes de fermer l'accès au cours, sous l'accusation d'inci­tations à des activités anti-israéliennes.

Hébron n'est pas le lieu où vous pour­

rez faire valoir vos connaissances en hébreu. Et toute tentative de votre part pour parler quelques mots d'arabe sera très appréciée par les Arabes locaux. Il est judicieux de réviser quelques for­mules amicales avant de vous lancer dans la visite de la ville. Vous aurez ainsi toutes les chances d'être bien accueilli

dans les boutiques, et même d'être invité à prendre le thé dans une maison privée. Décliner une telle invitation serait consi­déré comme une offense; mais évitez de débattre des mérites de la présence israé­lienne eh Cisjordanie.

Flânez dans le dédale des ruelles de la casbah de Hébron. Vous y trouverez toutes sortes d'artisans, façonnant des poteries, compressant ou sculptant du bois d' oli­

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246 ITINÉRAIRES

vier, et, bien sûr, soufflant ces verres colorés qui ont fait la célébrité de Hébron et de la région. Rafraîchissez-vous avec tous ces fruits gorgés de soleil vendus au bord des routes et dans les souks. Les pêches de Hébron, pâles et sucrées, sont prisées dans tout le Moyen-Orient.

La présence juive à Hébron remonte à l'époque où Dieu accorda à Abraham la paternité des ancêtres du monothéisme, Israël et Ismaël. Abraham choisit cette colline exposée aux vents comme lieu de sépulture pour sa famille. Aujourd'hui, le tombeau des Patriarches domine la ville, et il est honoré à la fois par les Juifs et par les musulmans. Selon le Pentateuque, Abraham acheta la grotte de Machpelah à Ephrôn le Hittite pour en faire le tombeau de son épouse, Sarah. C'est ici que, d'après la légende, reposent les trois patriarches, Abraham, Jacob et Isaac, et leurs épouses. Leurs cénotaphes composent le cœur même de l'édifice: Abraham et Sarah, au centre, Jacob et Léa à l'extérieur de l'enceinte et, de l'autre côté, sur le terrain de la mosquée, Isaac et Rebecca. Selon des versions plus fantaisistes, le site abriterait également les tombes d'Adam et Eve, d'Esaü, et même des douze fils de Jacob (Caïn, Abel et le serpent ne sont cependant pas cités). Juste à l'extérieur de l'édifice, se dresse le tombeau de Joseph. Mais si l'on en croit le livre de Josué (34, 32), après avoir été rapportés d'Égypte, les osse­

ments de Joseph reposeraient à Naplouse.

L'édifice de forme rectangulaire res­semble davantage à une forteresse qu'àun tombeau. Il fut construit dans un style monumental par Hérode le Grand. Les Arabes le convertirent ultérieurement en mosquée, et les croisés, lors de leur pas­sage, le transformèrent en église, en y ajou­tant des toits crénelés. En 1881, Saladin s'en empara et le convertit de nouveau en mosquée, lui adjoignant ses minarets.

Huit cents ans après Abraham, David fut couronné roi d'Israël à Hébron, et c'est depuis cette ville qu'il gouverna pendant plusieurs années, avant d'en faire la capitale de son royaume. Parmi ses fils, son favori, Absalon, devait mener plus

tard contre son père une vaine rébellion. Après la prise de Jérusalem, arrachée par David aux Jébuséens en 1000 av. J.-C., la capitale changea de lieu, mais Hébron

demeura l'une des quatre villes sacrées d'Israël, avec Jérusalem, Tibériade et Safed. La communauté juive de la ville survécut à la destruction des deux Temples jusqu'en 1100, date à laquelle elle fut expulsée par les croisés. Elle connut ensuite des hauts et des bas, au cours des siècles.

En 1929, puis en 1936, la population juive fut chassée par des émeutes lancées par les Arabes, et ce n'est qu'en 1967 qu'elle put réintégrer la ville. En 1968, un groupe de colons juifs obtint de facto

l'autorisation de s'implanter dans la région, à l'exception cependant du centre arabe de Hébron. Aussi s'installèrent­ils dans un nouveau faubourg baptiséKiryat Arba (ville des Quatre, en réfé­rence aux quatre couples ensevelis dans le tombeau des Patriarches), sur une col­line voisine.

Juifs et musulmans se prétendent des­cendants d'Abraham, et la région de Hébron - le tombeau des Patriarches en particulier - est un foyer de friction et de séparatisme religieux. Venant aggraver cette situation, une mosquée occupe

Pages précédentes,' le tombeau des Patriarches surplombe Hébron. Ci-dessous, souffleur de verre

à Hébron.

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               Au

    printemps,

              les

     troupeaux

  de moutons

s'éparpillent

            dans

   les collines

     de Judée.

aujourd'hui partiellement le site qui était autrefois dévolu à une synagogue.

Les tensions n'ont pas cessé depuis la guerre de 1967, et les soldats israéliens patrouillent en permanence dans la région. Des heurts violents entre Juifs et résidents arabes, entre soldats israéliens et Arabes, ou entre soldats israéliens et vigiles assurant la sécurité des colons juifs, ont secoué la ville au cours des der­nières années. Cette situation s'est d'autant plus aggravée avec le déclenche­meut de la guerre des Pierres en 1987. En raison de cette agitation, il est plus pru­dent de consulter l'Office du tourisme de Jérusalem, avant d'entreprendre un voya­ge à Hébron; la seule ville de Cisjordanie où il n'est pas envisageable de passer la nuit.

Dans les environs de Hébron, se trouve le chêne d'Abraham, vieux de six cents ans. C'est ici qu'Abraham aurait reçu la visite des trois anges venus lui annoncer la naissance imminente de son fils Isaac. Le lieu appartient à des moines russes qui vivent là, dans un petit monastère. Le nom antique de ce site est Mamre.

LA JUDÉE 247

Abraham y aurait construit un autel et creusé un puits. Quant au monument d'Hérode qui se trouve là, il commémore la défaite des troupes de Bar Kokhba et le lieu où ses soldats furent vendus comme esclaves.

Au nord de Hébron, sur la route de Bethléem, se trouve Etzion Bloc, site de la fondation, en 1926, du kibboutz HaDati, une des premières communautés agricoles religieuses. Abandonné lors des émeutes arabes de 1929, il ne fut réoccu­pé que pour se trouver confronté aux émeutes de 1936-1939. En 1948, ses occupants obstinés trouvèrent la mort dans la guerre d'indépendance. Etzion Bloc fut repris par l'armée israélienne le 7 juin 1967 et, quelques mois plus tard, le kibboutz Kfar-Etzion était investi par les enfants de certains des kibboutzniks d'origine. Aujourd'hui, Etzion Bloc est aux yeux de nombreux Israéliens le sym­bole de la persévérance des colons juifs face à un environnement hostile.

Depuis Kfar-Etzion, l'autoroute vous ramène directement à Jérusalem, après un trajet de 14 km environ.

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A. gauche,

de jeunes vendeurs

de Poteries

à Gaza,. à droite,

      la cité

de Khan Younis.

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LA BANDE DE GAZA

La bande sablonneuse de Gaza (6 km de large sur 45 km de long) commence à la rivière Shikma au nord et s'étire jusqu'à la frontière égyptienne, à Rafa. Appartenant à la Fédération maritime des philistins, elle fut jadis le cadre de la ren­contre entre l'illustre Samson et l'ensor­celante Dalila, qui mena ce dernier à sa perte. C'est ici qu'il fut conduit lorsqu'il finit par être capturé, après avoir livré de nombreuses batailles. « Meure ma per­

sonne avec les Philistins », supplia-t-ille Seigneur, tandis que ses vainqueurs célé­

braient leur victoire. « Puis il se raidit

avec force,. et le temple s'effondra sur les satrapes et sur tout le peuple qui s'y

trouvait » (Juges 16, 17-30). Selon la tra­dition arabe, Samson est enterré dans la ville même de Gaza, sous la grande mos­quée, un édifice construit par les croisés en 1150 et transformé en mosquée par les Mamelouks. Depuis l'époque de Samson, Gaza a accueilli les musulmans, les croi­sés, les Turcs, les Britanniques et même les soldats de Napoléon.

Gaza aujourd'hui

Vingt pour cent environ des sept cent mille Arabes palestiniens qui furent chas­sés par les combats, avant et après 1948, ont échoué à Gaza. C'est parmi eux que le président égyptien Nasser recruta les premiers fedayin et encouragea les actions terroristes contre le nouvel État israélien. Israël répliqua en 1956 par la campagne du Sinaï. Et, en 1967, l'État hébreu arracha le territoire à l'Égypte et, avec lui, ses habitants.

Avant de s'y rendre, il est important de s'informer des derniers événements poli­tiques. Il n'y a pas grand-chose à voir, sur le plan touristique, mais la vie urbaine est en elle-même une attraction. Des femmes arabes en longue robe noire, avec un panier en équilibre sur la tête, déambulent dans les rues et dans les camps, croisant des enfants en uniforme d'écolier. Les quartiers animés de la ville regorgent de commerces proposant toutes sortes d'articles: des vêtements de coton (le mot « gaze» vient de Gaza, qui était

LA BANDE DE GAZA 249

réputée pour la finesse de ses cotons), des poteries en terre cuite (une spécialité locale), et des montagnes de couvertures et de tapis en poil de chameau.

Il fallut attendre 1994 pour que Gaza accède à l'autonomie, constituant ainsi le premier des territoires occupés, avec Jéricho, à bénéficier des accords de paix, connus sous l'appellation « Gaza-Jéricho d'abord », signés le 4 mai au Caire. Mais les perspectives d'avenir pour cette bande de terre misérable ne sont pas devenues moins sombres, en dépit du formidable enthousiasme de ses habitants et des pro­messes d'investissements des organisa­tions internationales.

Depuis près de quarante ans, les réfu­giés vivent dans des camps de l'agence humanitaire des Nations unies, construits pour un usage provisoire, et bien que 90 % des foyers disposent de l'électricité, les conditions matérielles demeurent pré­caires. Quelque 60 % (ou plus) des huit cent mille résidents sont au chômage.

Tout cela constitue un terrain fertile pour l'organisation du Hamas, rival de l'OLP, dans le contrôle de la région.