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232 ITINÉRAIRES |
LA
CISJORDANIE: UN TERRITOIRE CONTESTÉ |
Enserrant le
Jourdain à l'est et le mur couleur d'ambre de Jérusalem à l'ouest, s'étirant
au nord jusqu'aux villes et aux vallées de Samarie et, au sud, jusqu'aux
collines accidentées de Judée, la Cisjordanie peut être considérée comme le
centre géographique du Moyen-Orient et l'épicentre de toutes les tensions
incarnées à l 'heure actuelle par cette région du monde. Elle est située au
cœur même de la Terre sainte et renferme des lieux aussi révérés que Bethléem,
Hébron, Shiloh et Jéricho. Des siècles durant, juifs, chrétiens et musulmans
sont venus leur rendre hommage et, aujourd 'hui encore, des pèlerins du monde
entier affluent sur ces sites sacrés qui, dispersés dans toute la région,
sont souvent revendiqués par plus d'une religion et sont devenus l'expression
matérielle (immédiate de conflits séculaires. Plus d'un millénaire écoulé n'a
pas suffi à dissiper les tensions dans ce territoire contesté. La discorde entre Arabes et Israéliens semble porter
exclusivement sur le statut de la Cisjordanie et des neuf cent mille
Palestiniens qui vivent là. On peut mesurer de bien des manières les
implications de ce conflit mais, en clair, chacune des deux parties redoute
une usurpation par l'autre de ses droits sur ce territoire. La Cisjord511ie ne fait pas partie intégrante de
l'Etat d'Israël. Mais dans la mesure où elle est sous le contrôle de
l'administration israélienne depuis la guerre des Six-Jours (en 1967), c'est à
partir de ce pays qu'elle est le plus facilement accessible, et l'on peut
s'y rendre sans difficulté en empruntant les axes routiers locaux. La
Cisjordanie reste cependant une entité spécifique et le voyageur a tout intérêt
à se tenir au courant de l'actualité avant de franchir ses frontières. En 1948, après que la Jordanie, l'Égypte, l'Irak, la
Syrie et le Liban eu_ent déclaré la guerre au tout nouvel Etat d'Israël, Jérusalem
Est et les territoires arabes de la rive ouest du Jourdain échu |
rent à la
Jordanie. En 1950, la Jordanie annexa officiellement cette région, d'où le
nom de Cisjordanie. Cette même année l'UNRWA (United Nations Relief Works
Agency) prit la res ponsabilité de «
veiller à la sécurité des réfugiés palestiniens jusqu'à ce qu'une solution
politique soit trouvée pour la réinsertion
des populations déplacées ». La
Cisjordanie s'est trouvée sous occupation israélienne à partir de 1967. Ce
n'est qu'en 1994 que furent accomplis les premiers pas sur le chemin d'une
restitution graduelle des territoires occupés au peuple palestinien, à
commencer par la ville de Jéricho et la bande de Gaza. Ce processus a été
interrompu par le chef du nouveau gouvernement Benyamin Netanyahou refusant
en particulier l'évacuation d 'Hébron par les forces israéliennes prévue
aux accords de paix. Géographiquemen!, la Cisjordanie est en plein cœur de
l'Etat d'Israël, ce qui rallonge sensiblement les communications avec des
communautés comme Ein Gedi, sur la mer Morte, ou Tibériade, en Galilée, et
qui pose un problème straté |
T |
Pages précédentes.. un troupeau de moutons réintègre sa
bergerie dans un village
de Galilée. Ci-dessous, une nouvelle colonie en construction. |
gique. Les
hautes collines de Cisjordanie permettaient aux Jordaniens une surveillance
facile et un accès commode aux basses plaines israéliennes, et, par endroits,
le long de la côte méditerranéenne, au-dessus de Tel-Aviv, le territoire
israélien se limitait à une bande de moins de 15 km de large. Dans la nuit qui suivit le début de la guerre de
1967, Tel-Aviv fut bombardée depuis la ville de Kalkilya, alors sous contrôle
israélien, juste de l'autre côté de la frontière. A l'issue de la guerre
d'une semaine qui s'ensuivit, Israël reprit le contrôle de la région.
S'emparer des anciennes places fortes arabes et des montagnes dominant la
vallée du Jourdàin était un formidable avantage stratégique. Les Israéliens
en convinrent tous, mais les dissensions commencèrent à se faire jour quant à
l'avenir de ce territoire et des populations arabes rétives qui
l'habitaient. Outre le système de défense électronique complexe
qu'il a installé dans la vallée du Jourdain, le gouvernement israélien y a établi
de nombreu_ postes de |
LA CISJORDANIE:
UN TERRITOIRE CONTESTÉ 233 |
défense avancés
qui sont devenus de véritables colonies. Ces foyers de présence juive se
justifiaient sans doute à l'origine, comme mesure de sécurité, mais ils
ouvrirent la voie à des installations ultérieures, fondées sur des
revendications religieuses et nationalistes remontant à 1900 av. J-C.,
lorsque les Patriarches vivaient encore en terre de Canaan. Comme pour la plupart des événements en Israël, le
sort démographique de la Cisjordanie dépend en grande partie des négociations
politiques. En 1977, lorsque la coalition du Likoud arriva au pouvoir, sa
priorité fut le peuplement de la Cisjordanie, et de la Samarie en particulier,
où résident d'importantes populations arabes. Son objectif était d'atteindre
les cent mille colons israéliens en 1985. A ce jour, le total s'élève environ
à soixante mille. Lorsque le gouvernement d'Union nationale prit les rênes
du pays, en 1984, ce projet de développement fut arrêté. Mais les
implantations programmées ou en cours de construction ont été maintenues. Et
si l'on voyage en voiture, on peut encore voir, perché au sommet d'une
colline surplombant un village arabe, un énorme panneau annonçant la construction
d'une nouvelle résidence d'appartements en copropriété, avec piscine, courts
de tennis et centre commercial. En réalité, ces implantations israéliennes
sont des complexes résidentiels qui offrent à leurs habitants toutes les
facilités en matière de commerce, d'écoles, de loisirs, et d'emploi. La tension entre les Palestiniens et ces nouveaux
colons s'est aggravée, notamment depuis le déclenchement de l'Intifada en
décembre 1987. Mais, en tant que touriste, vous ne risquez pas d'en être la
cible, surtout si vous vous contentez de suivre les routes principales et si
vous apprenez quelques mots d'arabe. Des vêtements sobres sont recommandés et
les femmes seules seront avisées de prévoir une escorte. Entre les postes de
l'armée et les camps de réfugiés, une incursion en Cisjordanie provoque nécessairement
une prise de conscience politique. Mais le paysage est en grande partie
inchangé depuis le temps d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, de David ou de Jésus. |
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LA SAMARIE |
Lorsqu'on quitte Jérusalem par l'autoroute Jérusalem-Jéricho, les
traces de civilisations successives abondent dans les collines de Samarie,
qui sont d'une blancheur de craie à la lumière du jour et prennent des
reflets de bronze au coucher du soleil. |
Des réfugiés et des ruines |
Dans la direction du nord, à quelques kilomètres de Ramallah, Shofat
est le plus important des camps de réfugiés palestiniens dans les territoires
occupés. Pour la majorité de ces réfugiés, l'aide fournie par l'UNRWA (United
Nations Relief Works Agency) en matière de logement, de soins médicaux,
d'aide sociale ou d'éducation est primordiale. Parmi les services offerts par
cet organisme, de nombreux centres de formation professionnelle, comme le
Women's Training Center de Ramallah, dont les cours répondent aux besoins de
l' économie du Moyen-Orient. Ramallah, la ville la plus riche de
Cisjordanie, est l'illustration même des problèmes posés par la présence
israélienne depuis 1967. On ne compte plus les pneus brûlés, les écoles fermées
et les couvre-feux imposés par les Israéliens depuis le début de la guerre
des Pierres en 1987. A 12 km au nord se trouve Bir Zeit,
la plus grande des cinq principales universités palestiniennes de la rive
ouest du Jourdain. Construite par les Israéliens en 1972, c'est un centre
actif d 'hostilité et d'opposition au gouvernement israélien. Et les
fermetures, volontaires ou imposées, sont plus que fréquentes. Si l'on quitte Ramallah vers le
nord, en direction de Naplouse, on traverse un paysage en terrasses, dont le
calcaire retient sur les contreforts des collines toutes les richesses minéralogiques
du sol. Des oliviers noueux, bordés de fleurs, confèrent un charme
particulier à ce paysage. Les olives sont récoltées par les fermiers locaux
qui les transportent vers les villages, où elles sont ensuite pressées. En suivant la route de Naplouse, on
aprecevra deux villes perchées au som |
'" LA SAMARIE 235 |
met des collines: Bethel et Ai. Bethel figurait déjà dans les premiers
récits bibliques: c'est le site où Jacob rêva d'une échelle conduisant au Paradis.
Et c'est en ce lieu qu'il érigea un autel, baptisé Beit El, ou « Maison de
Dieu». C'est ici également que fut conservée l'Arche d'alliance, jusqu'à l'époque
des Juges. Ai est l'une des premières villes conquises par Josué et les Israélites,
lors de leur conquête militaire du pays de Canaan. La ville antique de Shiloh se
dresse à mi-chemin entre Naplouse et Bethe!. Selon la Bible, c'est à Shiloh
que la terre d'Israël fut partagée entre les douze tribus et que les cités
leur furent attribuées. Au XIe siècle av. l-c., Shiloh était le centre
religieux des tribus israélites et, pendant plus de deux siècles, ce fut le
site sacré de l'Arche d'alliance. C'est aussi dans la ville de Shiloh que le
grand prophète Samuel
est né et a « grandi sous le regard du Seigneur» (1 Samuel 2, 21). Mais les Philistins battirent les Israélites,
s'emparèrent de l'Arche et réduisirent la ville en cendres. Aujourd'hui, le
site de Shiloh s'étend sur moins de 8 acres, mais les archéologues y ont mis
au jour des vestiges de civilisation datant de l'âge de bronze (1600 av.
l-C.). A quelque 48 km au nord de Ramallah
se trouve Naplouse (en hébreu, Shechem), une ville importante en bien des
sens. En dehors du fait qu'elle est la plus grosse ville de la rive ouest du
Jourdain, avec quatre-vingt-cinq mille habitants, elle renferme une foule de
sites à résonance biblique. De loin, Naplouse évoque un tableau pointilliste,
avec une multitude de portes bleues, encadrées par des maisons sagement alignées
sur les flancs d'une colline. Mais si l'on s'approche, on est assailli par
une cacophonie de sons qui émanent d'une ville très animée: klaxons, appels
du muezzin qui convie les fidèles musulmans à la prière, et youyous stridents
des femmes arabes. Riche en histoire, le site originel
de Naplouse se trouve à l'est de la ville actuelle. Il est mentionné dans la
Genèse comme le lieu où Jacob aurait planté sa tente. Le puits de Jacob est
toujours utilisé par les habitants de Naplouse. D'après l'Evangile selon
saint Jean |
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236 ITINÉRAIRES |
(4,25-26), c'est ici que Jésus fit une halte pour se rafraîchir et
qu'il rencontra une Samaritaine qui tirait de l'eau du puits. « Je sais
que le Messie est arrivé et qu'il se nomme Christ », lui dit-elle; ce à quoi Jésus répondit: « Celui
qui te parle n'est autre que lui. » Tout près, la tombe de Joseph est
un lieu saint pour les musulmans, qui pensent qu'elle renferme les os du
grand homme « dans une parcelle de terre que Jacob acheta aux fils de Hamor, le
père de Shechem »
(Josué 24, 32). Mais
il existe un autre cénotaphe
de Joseph, au tombeau des Patriarches, à Hébron. Parmi les découvertes archéologiques
à proximité de la ville, il faut citer les fondations de temples cananéens et une yeshiva antique, aujourd'hui gardée
par des soldats israéliens. Au temps des Juges, Abimélech, le
fils de Gédéon, se fit proclamer roi de cette cité. Quelque deux cents ans
plus tard, en 928 av. l-c., les dix tribus du Nord firent appel à Jéroboam
pour régner de Dan à Bethel et, pendant plusieurs années, Shechem servit de
capitale au nouveau |
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royaume du Nord. Si l'on remonte encore dans 1 'histoire biblique,
Abraham s'arrêta probablement à Shechem, juste après son entrée en Canaan, et
certains croient que c'est précisément ici que fut instaurée l'Alliance sacrée
entre Dieu et 1 'Homme. |
Les Samaritains |
Dressés comme deux piliers de portail, à l'entrée sud-est de Naplouse,
se trouvent deux sommets jumeaux historiques: le mont Ebal et le mont
Gerezim. Moïse, déjà, parlait d'eux, bénissant le mont Gerezim et maudissant
le mont Ebal. Le mont Gerezim est aujourd'hui le
centre de la religion samaritaine. Les origines de la secte remontent à l'époque
oùles Assyriens balayèrent le royaume du Nord, en 720 av. J.-C. A leur retour
d'exil, en 538 av. l-c., les Juifs rejetèrent les Samaritains en raison de
leurs mariages mixtes avec les conquérants, bien qu'ils eussent continué à se
réclamer d'une stricte adhésion à la loi mosaïque. Aujourd'hui, près de deux
cent cinquante des cinq cents Samaritains existants (ils étaient encore des
dizaines de milliers au Moyen Age) fêtent la pâque juive avec une rigueur qui
intrigue les Israéliens reli gIeux. |
L'imposante capitale d'Omri |
. A un peu plus de 10 km au nord de Naplouse se trouve le site de l'une
des ruines les plus impressionnantes de toute la Terre sainte: Sebastiya.
Connue jadis sous le nom de Samaria, cette ville antique était la capitale du
royaume du Nord au moment de l'accession au pouvoir d'Omri, en 881 av. l-c.
Lui et son fils, le méchant Achab, construisirent des palais et des temples
magnifiques, à l'intérieur d'une enceinte circulaire fortifiée. Achab y
ajouta également des ornements et des temples dédiés à Baal et àAstarté,
figures de culte honorées par Jézabel, son épouse et reine, originaire de
Sidon. Cette trahison du monothéisme prqvoqua la colère du Seigneur et la
fuite d'Elie, qui devait se terminer sur le mont Carmel. Les vestiges du palais d'Achab côtoient
les marches imposantes qui conduisaient au temple d'Auguste érigé |
Scène de la vie quotidienne au pied des colonneS majestueuJ_ de Sebasri)_ |
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Des Samaritains célébrant la
pâque au
sommet du
mont Gezerim. |
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par Hérode, dans les années 30 av. J.-C. Les ruines ont conservé la
noblesse architecturale qui caractérise les bâtiments construits sous Hérode. On admirera aussi parmi les ruines
de Sebastiya un immense hippodrome, une acropole, une basilique, et de
nombreux vestiges de murailles israélites et d'époque héllénistique. Et la
voie bordée de colonnades est une réminiscence majestueuse de l'opulence
antique de Sebastiya. Dans le village arabe de Sebastiya,
situé juste à l'extérieur des fortifications romaines, se trouvent les ruines
d'une cathédrale du XIIe siècle construite par les croisés. Elle serait éri,gée
sur les tombeaux des prophètes Elisée et Abdias, ainsi que sur celui de
saint Jean Baptiste. Ce site est aujourd'hui inclus dans la mosquée de
Nabi-Yaya (construite par Saladin), qui abrite une petite pièce censée
renfermer la tête de saint Jean Baptiste. Si les nomades vivent en groupe
dans le désert de Judée et en Samarie, il n'est pas rare de voir une tente bédouine
isolée, |
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LA SAMARIE 237 d'où émerge une antenne de télévision avec un camion garé juste devant. Le_ jeunes enfants bédouins, qui
arborent le plus souvent des vêtements très colorés, sont de plaisants sujets
photographiques et se prêtent volontiers à ce jeu. Le photographe en sera
seulement quitte pour distribuer quelques shekels. |
Un ermitage caché |
Sur la route qui conduit à Wadi Kelt, en direction du sud-est, le
silence est si pur qu'il résonne presque à l'oreille. Depuis mille six cents
ans, depuis l'époque des Patriarches, des moines vivent ici, dans ce lieu
surréaliste où les méandres du Wadi-Kelt (wadi signifiant oued) se déroulent
au fond d'une gorge très encaissée, dans le canyon qui relie Jéricho à Jérusalem.
Tout au long des 35 km de ce parcours, on peut voir des ruines surplombant
d'autres ruines, des monastères, des grottes inquiétantes et des sources
surprenantes. Les rochers sont percés de petits alvéoles creusés à même la
montagne qui sont, en fait, des |
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238
ITINÉRAIRES |
cellules d'isolement pour les moines qui vivent là des fruits d'un
jardin situé à proximité d'un ruisseau. Le monastère Saint-Georges est un
monastère grec orthodoxe qui date d'un peu plus d'un siècle, mais la
communauté qui y vit est bien plus ancienne. Au sud de Jéricho, près de
l'autoroute Jérusalem-Jéricho, se trouve la mosquée de Nabi-Musa, une vision
inattendue, comme sortie de nulle part. Les musulmans viennent ici en pèlerinage
sur la tombe de Moïse. Dans le Deutéronome (34, 1-6) il est écrit que Moïse
fut « enterré dans une vallée, dans le pays de Moab, mais [que] nul homme ne
sait à ce jour où se trouve sa sépulture
». Une vieille
tradition, qui remonte aux pre miers pèlerins chrétiens, la situe
pourtant ici même. Les Mamelouks construisirent cette mosquée au XIIIe siècle,
et construisirent un important cénotaphe à Moïse. |
Les murs de Jéricho |
Jéricho, que l'on considère généralement comme la première communauté
agricole |
du monde antique, s'est aujourd'hui de nouveau consacrée à
l'agriculture. Implantée dans une oasis, en plein milieu d'une zone quasi désertique,
la végétation de Jéricho est alimentée par des sources souterraines qui sont
le secret de son endurance. Par le passé, des hommes d'État célèbres ont choisi cette ville
comme lieu de villégiature. L'un de ces hommes était Hisham, le dixième
calife omeyade, qui fit construire au VIlle siècle le fabuleux palais Hisham,
ou Khirbet el Mefjer, à 3 km environ de la ville. En fait, ce palais fut
surtout la résidence d'été de Walid 1er, son neveu et successeur. Un énorme
aqueduc transportait l'eau en provenance des sources voisines d'Ein Dug,
jusqu'à une citerne qui assurait l' approvi sionnement du palais. Les
sculptures et les piliers monumentaux sont magnifiques et les sols sont un
exemple des plus belles mosaïques islamiques de cette époque. La ville antique de Jéricho, la
plus vieille ville du monde, s'étend sous l'actuel Tel es Sultan - les
ruines |
Le monastère
SaintGeorges, accroché au flanc de la falaise, surplombe la vallée du . Wadi-Kelt. |
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Sur la même rivière et sur une même pancarte voisinent un site chrétien et un point stratégique israélien important. |
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ne passionneront que les archéologues avertis. Le livre de Josué dans l'Ancien
Testament (Josué 6, 1-16) relate la prise de Jéricho par les Israélites après
sept jours de siège, grâce au son des trompettes des prêtres qui firent
tomber les remparts. Des fouilles archéologiques ont
confirmé que les ruines de l'antique ville remonteraient à 7000 av. J.-c., époque
à laquelle les premiers habitants, vivant de la chasse et de la cueillette, réussirent
la transition vers une vie sédentaire en pratiquant les premiers l'agriculture.
Les ruines de Jéricho sont les seules connues à ce jour datant de l'âge de la
pierre. De 1'autre côté de la route, en
face de Tel es Sultan on situe la fontaine Élisée, qui, d'après les juifs,
aurait été purifiée par le prophète Elisée après que la population l'eut
accusée d'être nuisible aux moissons. Les Arabes y font aujourd'hui référence
sous le nom de Ein es Sultan. L'actuelle Jéricho est une ville un
peu assoupie, de près de sept mille habitants, dont l'activité essentielle
est confinée au |
LA
SAMARIE 239 |
centre-ville. Ici, hommes et femmes se rassemblent pour s'asseoir sur
des tabourets de rotin, bavarder, siroter un café ou jouer au jacquet. Les
marchés resplendissent de fruits et de légumes, et l'on y trouve des régimes
de bananes ou de dattes fraîches et délicieuses. C'est au sommet du mont de la
Tentation (surnommé mont de la Quarantaine par les croisés), dans le désert
torride qui environne cette petite ville, que Jésus fut tenté trois fois par
Satan. Accroché au rocher, se trouve un monastère grec orthodoxe qui fut
construit devant la grotte où Jésus, dit-on, jeûna pendant quarante jours et
quarante nuits. |
Le long du Jourdain |
A environ 10 km à l'est de Jéricho, à un gué au nord de la mer Morte,
connu sous le nom d'AI-Maghtes, Jésus fut baptisé à l'âge de trente ans : « ... Et il advint en ces temps que Jésus arriva de Nazareth en Galilée, et fut baptisé par Jean, dans le
Jourdain. » (Évangile selon saint Marc l, 6-9). Il n'est donc pas
surprenant que ce site, désigné comme site du Baptême, soit devenu
aujourd'hui un lieu de prédilection pour les baptêmes chrétiens. Mark Twain décrivit un jour le Jourdain comme un fleuve « si tortueux qu'un homme ne peut savoir, la moitié du temps, sur quelle rive il se trouve. Sur un parcours de 90 miles, il n'avance guère que
de 50 miles sur terre ». Le pont Allenby est le point de passage
de la rivière 'entre la Cisjordanie et le royaume hachémite de Jordanie.
Pendant la guerre de 1967, le pont, réduit à un simple échafaudage, fut envahi
par les Palestiniens qui fuyaient la rive ouest du Jourdain pour entrer en
Jordanie. Depuis, le pont a été reconstruit, et le trafic est contrôlé par la
Sécurité israélienne. Aujourd'hui, le pont Allenby est le
sas de sortie de la production cisjordanienne vers les marchés du monde
arabe. Sur la rive occidentale du pont; de jeunes recrues israéliennes
fouillent méticuleusement les sacs, les colis et les affaires personnelles
de tous les voyageurs. Le poste frontière armé, situé juste en avant, rappelle
que les deux nations sont toujours officiellement en état de guerre. |
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La procession de Noël sur la place Manger, à
Bethléem. |
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LA JUDÉE |
Il n'existe
aucune frontière marquant la transition entre les collines de Samarie et
celles de Judée, toutes les deux faisant partie de la même arête centrale,
qui s'étend depuis les hauteurs de Ramallah, au nord, à travers les cités judéennes
de Bethléem et de Hébron. Les collines de Judée évoquent de nombreuses légendes,
dont la source remonte à l'Ancien comme au Nouveau Testament. A l'est,
marquant l'aboutissement de la chaîne dans la faille de la vallée du
Jourdain, s'étend le désert de Judée, qui servit au cours des siècles de
refuge aux prophètes, aux moines et aux rois d'Israël. La Judée est aussi insaisissable que révérée; tout
autour de vous, les collines vallonnées vous rappellent que vous êtes dans le
pays de la Bible et semblent démentir les tensions violentes que cette même
terre a du mal à contenir. Si vous abordez Bethléem par le nord, vous pourrez
voir le tombeau de Rachel, femme du patriarche Jacob et mère de Benjamin.
C'est un des lieux saints les plus importants du judaïsme et c'est un lieu de
culte à la fois pour les Juifs et pour les musulmans. Le modeste dôme qui
abrite le site fut reconstruit par le philanthrope britannique sir Moses
Montefiore, en 1841, à l'endroit même où l'on raconte
que «Jacob érigea un pilier sur la tombe ». |
Bethléem et
les lieux saints |
C'est à Bethléem,
des siècles après Rachel, lors de la saison des moissons, que Ruth, la belle
veuve, rencontra Booz et l'aima. Leur arrière-petit-fils, David, né à Bethléem
et élevé dans ces mêmes champs, dev-int le fameux roi-poète d'Israël. A la
lisière orientale de Bethléem, se trouve le champ de Ruth, tout près du
village arabe de Beit Sahur (maison des Bergers). On dit aussi que c'est le
champ des bergers, où l'ange apparut
aux bergers « qui surveillaient leurs troupeaux la nuit » pour leur annoncer la naissance de l'enfant Jésus. Dans la rue Manger, qui conduit directement au cœur
de la ville, au bout d'une |
LA JUDÉE 241 |
volée de
marches, vous trouverez trois énormes citernes d'eau, taillées à même le roc
: on prétend qu'il s'agit du puits de David. Lorsque David combattit les
Philistins, il se trouva un jour ici, dans leur garnison, et la soif lui
arracha ces pleurs: « Oh, si
je pouvais boire de l'eau
du puits de Bethléem, celui qui se trouve près de la porte
de la ville! » Mais, se voyant offrir de l'eau tirée du puits de ses ennemis, « il
refusa de la boire et la versa en offrande au
Seigneur» (2e Livre de Samuel 23, 13-17). De nos jours, ce sont les cloches, la musique et les églises
qui font le charme de Bethléem. En suivant la route, on aboutit à la place
Manger - une large place en plein cœur de Bethléem, devant l'église de la
Nativité, à laquelle on accède en se baissant, par une petite entrée, réduite
à cette échelle par les croisés, pour empêcher tout cavalier d'y pénétrer, et
rétrécie encore par la suite. La basilique originelle fut construite en l'année 325
par l'empereur Constantin, à l'emplacement de la grotte révérée dans la
tradition chrétienne comme étant le lieu de naissance de Jésus_ Cette grotte fut mentionnée
dans les Ecritures par saint Justin, quelque cent ans après la naissance de Jésus.
La plus grande partie des structures intérieures, y compris les poutres en
bois de la charpente centrale, date de l'empereur Justinien, qui fit
reconstruire l'église au VIe siècle. Devant l'église, au bas des marches, se trouve la
grotte de la Nativité, dont l'autel est constitué par une mosaïque à peine
identifiable, datant du XIIe siècle. Une étoile d'argent scintillante orne le
sol de cet espace réduit et porte une inscription en
latin datée de 1717 : Hic de virgi ne
Maria Jesus Christus natus est (Ici est né Jésus-Christ,
fils de la vierge Marie). A côté de cette grotte dorée se trouve la chapelle
de la Crèche, où Marie déposa le nouveau-né. L'église de la Nativité est reliée à plusieurs
autres églises de dénominations diverses. La plus fréquentée, la veille de Noël,
est l'église franciscaine SainteCatherine (construite en 1881), d'où est
retransmise chaque année, dans le monde entier, la messe de minuit. Après avoir traversé la grotte du lait vous
atteindrez la chapelle de la Grotte |
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242 ITINÉRAIRES |
du Lait. Selon la tradition chrétienne la Sainte Famille aurait trouvé
refuge dans cette grotte, et Marie allaitant l'enfant Jésus aurait laissé
couler un peu de lait sur le sol en pierre de la grotte, qui en a conservé la
couleur laiteuse à jamais. Aujourd'hui, on vend aux pèlerins des parcelles de
ce sol qui sont censées favoriser un meilleur allaitement. De cet endroit,
la perspective sur le champ de Ruth et le désert de Judée est saisissante. Dans toute la ville, mais plus
particulièrement aux abords de la place Manger, les vendeurs proposent un
large échantillonnage d'articles religieux. Ils sont tous flambant neufs,
mais inspirés de l' artisanat traditionnel, souvent en bois d'olivier, en céramique
ou en pierre de Jérusalem. Un regard vers le nord de la ville
et sur le dédale des maisons qui s'agrippent aux collines abruptes vous
confirmera que Bethléem est restée une ville sainte aux yeux de vingt mille
Arabes chrétiens qui y vivent aujourd'hui. Parmi les diverses institutions
religieuses installées ici, on trouve une université de langue arabe, dirigée
par un. ordre catholique, The |
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Brothers of Christian Schools. Connue sous le nom d'université de
Bethléem, elle a été fondée avec l'assistance du gouvernement israélien. |
Les châteaux du désert |
A 8 km à l'est de la ville, se trouve la citadelle d'Hérodion, qui est
sans doute l'illustration la plus spectaculaire des concepts architecturaux
d'Hérode. A la suite de ses nombreuses conquêtes, Hérode sentit la nécessité
de faire construire un refuge sûr, où il serait à l'abri de ceux qui
pourraient chercher à se venger. Et Hérodion n'a certainement rien d'un lieu
ouvert. Un mur d'enceinte circulaire, ponctué de quatre postes de garde équidistants,
protège le vaste espace vital qu' Hérode s'était réservé, ainsi qu'une
maison de bains. On trouve également sur le site une source chaude, des
arcades et une synagogue. Depuis la citadelle d'Hérodion, la
vue est un véritable kaléidoscope de la région. Jérusalem s'étale au nord,
Bethléem à l'ouest, et la mer Morte scintille aux |
A gauche, bas-relief de la
grotte du Lait,. cidessous, la citadelle d' H érodion. |
...... |
Le monas tère de Mar Saba. |
confins du désert de Judée, au sud et à l'est. Selon les historiens,
tout comme à Massada, les Juifs qui se révoltèrent dans cette région
choisirent de se donner la mort plutôt que de tomber entre les mains des
Romains. Mais comme les zélotes de Massada, les occupants juifs de cette forteresse
résistèrent jusqu'au bout. Plus loin encore, encaissé entre
les parois du canyon qui surplombent la rivière du Cédron, au nord-est, se
trouve le monastère de Mar Saba. A la fin du ve siècle, saint Sabas
se retira dans ce coin perdu du désert pour prier et étudier. En 492, il y établit
un monastère. Mais au cours du VIle siècle, les Perses et les Arabes démolirent
le monastère et assassinèrent les moines. Mar Saba fut cependant reconstruit
et, au début du vme siècle, le théologien Jean de Damas se retira sur ce
site. Les écrits qu'il y rédigea mettaient l'accent sur les différences entre
la chrétienté et l'islam. De nos jours, l'intérêt le plus évident de cet
ermitage est l'énorme muraille fortifiée qui entoure le complexe. A l'intérieur,
on peut voir les reliques de saint |
LA JUDÉE 243 |
Sabas. Au XIIe siècle, les croisés avaient emporté le corps du saint à
Venise, mais en 1965, le pape Paul VI le restitua au monastère. On peut également
y voir les crânes des centaines de moines tués par les Perses en 614. L'entrée
du monastère n'est pas autorisée aux femmes. Sur le sentier qui conduit à Mar
Saba se trouve l'église Saint-Théodose. Le monastère fut construit en 476 par
saint Théodose le Cénobiarque, à l' emplacement où les trois Rois mages
auraient fait une halte après avoir rendu hommage à l'enfant Jésus. Dans la
crypte vous pourrez voir le tombeau de saint Théodose, mort en 529, à l'âge
de cent cinq ans. Sur le chemin du retour vers Bethléem,
se dresse un autre monastère fortifié, Mar Élias. Érigé sur le lieu où le
prophète Élie s'endormit après avoir fui Jézabel, il fut restauré par les
croisés au XIe siècle et servit de poste frontière durant les années où la rive ouest faisait partie de la Jordanie, entre 1948 et
1967. A 25 km environ de Bethléem, sur la route du sud qui mène à Hébron, se
trouvent les citernes vert sombre connues |
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LAJUDÉE 245 sous le nom de vasques de Salomon.
La tradition les attribue aux architectes du grand roi juif, au xe siècle av.
J.-c., mais les archéologues pensent qu'elles datent plus vraisemblablement
de l'époque d'Hérode. Quoi qu'il en soit, un aqueduc transportait l'eau de la
région vers Jérusalem. |
Hébron, la passionnée |
A près de 16 km au sud de Bethléem se trouve Hébron, l'une des plus
vieilles villes du monde. Si Hébron évoque des siècles et des siècles
d'histoire, son agriculture et sa communauté urbaine sont très
progressistes. Les fermiers locaux, les éleveurs de chèvres et de moutons, et
l'industrie alimentaire ont fait un grand bond en avant en adoptant des techniques modernes. S'il n'est pas rare de
voir encore des hommes et des femmes travaillant dans les champs avec des
outils traditionnels, la plupart des fermiers ont bénéficié d'une formation
et d'un soutien spécifique des ministères israéliens de l'Agriculture et de
l'Éducation. La ville est également équipée
d'une université islamique importante, fréquentée par près de deux mille étudiants
arabes. Existant depuis 1971, cette institution assure la promotion de la
culture et du nationalisme palestiniens, au grand regret des autorités israéliennes
qui se voient très souvent contraintes de fermer l'accès au cours, sous
l'accusation d'incitations à des activités anti-israéliennes. Hébron n'est pas le lieu où vous
pour rez faire valoir vos connaissances en hébreu. Et toute tentative de
votre part pour parler quelques mots d'arabe sera très appréciée par les
Arabes locaux. Il est judicieux de réviser quelques formules amicales avant
de vous lancer dans la visite de la ville. Vous aurez ainsi toutes les
chances d'être bien accueilli dans les boutiques, et même d'être
invité à prendre le thé dans une maison privée. Décliner une telle invitation
serait considéré comme une offense; mais évitez de débattre des mérites de
la présence israélienne eh Cisjordanie. Flânez dans le dédale des ruelles
de la casbah de Hébron. Vous y trouverez toutes sortes d'artisans, façonnant
des poteries, compressant ou sculptant du bois d' oli |
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246 ITINÉRAIRES |
vier, et, bien
sûr, soufflant ces verres colorés qui ont fait la célébrité de Hébron et de
la région. Rafraîchissez-vous avec tous ces fruits gorgés de soleil vendus au
bord des routes et dans les souks. Les pêches de Hébron, pâles et sucrées,
sont prisées dans tout le Moyen-Orient. La présence juive à Hébron remonte à l'époque où Dieu
accorda à Abraham la paternité des ancêtres du monothéisme, Israël et Ismaël.
Abraham choisit cette colline exposée aux vents comme lieu de sépulture pour
sa famille. Aujourd'hui, le tombeau des Patriarches domine la ville, et il
est honoré à la fois par les Juifs et par les musulmans. Selon le
Pentateuque, Abraham acheta la grotte de Machpelah à Ephrôn le Hittite pour
en faire le tombeau de son épouse, Sarah. C'est ici que, d'après la légende,
reposent les trois patriarches, Abraham, Jacob et Isaac, et leurs épouses.
Leurs cénotaphes composent le cœur même de l'édifice: Abraham et Sarah, au
centre, Jacob et Léa à l'extérieur de l'enceinte et, de l'autre côté, sur le
terrain de la mosquée, Isaac et Rebecca. Selon des versions plus
fantaisistes, le site abriterait également les tombes d'Adam et Eve, d'Esaü,
et même des douze fils de Jacob (Caïn, Abel et le serpent ne sont cependant
pas cités). Juste à l'extérieur de l'édifice, se dresse le tombeau de Joseph.
Mais si l'on en croit le livre de Josué (34, 32), après avoir été rapportés
d'Égypte, les osse ments de
Joseph reposeraient à Naplouse. L'édifice de forme rectangulaire ressemble davantage
à une forteresse qu'àun tombeau. Il fut construit dans un style monumental
par Hérode le Grand. Les Arabes le convertirent ultérieurement en mosquée, et
les croisés, lors de leur passage, le transformèrent en église, en y ajoutant
des toits crénelés. En 1881, Saladin s'en empara et le convertit de nouveau
en mosquée, lui adjoignant ses minarets. Huit cents ans après Abraham, David fut couronné roi
d'Israël à Hébron, et c'est depuis cette ville qu'il gouverna pendant
plusieurs années, avant d'en faire la capitale de son royaume. Parmi ses
fils, son favori, Absalon, devait mener plus tard contre
son père une vaine rébellion. Après la prise de Jérusalem, arrachée par David
aux Jébuséens en 1000 av. J.-C., la capitale changea de lieu, mais Hébron |
demeura l'une
des quatre villes sacrées d'Israël, avec Jérusalem, Tibériade et Safed. La
communauté juive de la ville survécut à la destruction des deux Temples
jusqu'en 1100, date à laquelle elle fut expulsée par les croisés. Elle connut
ensuite des hauts et des bas, au cours des siècles. En 1929, puis en 1936, la population juive fut chassée
par des émeutes lancées par les Arabes, et ce n'est qu'en 1967 qu'elle put réintégrer
la ville. En 1968, un groupe de colons juifs obtint de facto l'autorisation
de s'implanter dans la région, à l'exception cependant du centre arabe de Hébron.
Aussi s'installèrentils dans un nouveau faubourg baptiséKiryat Arba (ville
des Quatre, en référence aux quatre couples ensevelis dans le tombeau des
Patriarches), sur une colline voisine. Juifs et musulmans se prétendent descendants
d'Abraham, et la région de Hébron - le tombeau des Patriarches en particulier
- est un foyer de friction et de séparatisme religieux. Venant aggraver cette
situation, une mosquée occupe |
Pages précédentes,' le
tombeau des Patriarches surplombe Hébron. Ci-dessous, souffleur de verre à Hébron. |
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Au printemps, les troupeaux de moutons s'éparpillent dans les collines de Judée. |
aujourd'hui
partiellement le site qui était autrefois dévolu à une synagogue. Les tensions n'ont pas cessé depuis la guerre de
1967, et les soldats israéliens patrouillent en permanence dans la région.
Des heurts violents entre Juifs et résidents arabes, entre soldats israéliens
et Arabes, ou entre soldats israéliens et vigiles assurant la sécurité des
colons juifs, ont secoué la ville au cours des dernières années. Cette
situation s'est d'autant plus aggravée avec le déclenchemeut de la guerre
des Pierres en 1987. En raison de cette agitation, il est plus prudent de
consulter l'Office du tourisme de Jérusalem, avant d'entreprendre un voyage à
Hébron; la seule ville de Cisjordanie où il n'est pas envisageable de passer
la nuit. Dans les environs de Hébron, se trouve le chêne d'Abraham,
vieux de six cents ans. C'est ici qu'Abraham aurait reçu la visite des
trois anges venus lui annoncer la naissance imminente de son fils Isaac. Le
lieu appartient à des moines russes qui vivent là, dans un petit monastère.
Le nom antique de ce site est Mamre. |
LA JUDÉE 247 Abraham y aurait construit un autel et creusé un
puits. Quant au monument d'Hérode qui se trouve là, il commémore la défaite
des troupes de Bar Kokhba et le lieu où ses soldats furent vendus comme
esclaves. Au nord de Hébron, sur la route de Bethléem, se
trouve Etzion Bloc, site de la fondation, en 1926, du kibboutz HaDati, une
des premières communautés agricoles religieuses. Abandonné lors des émeutes
arabes de 1929, il ne fut réoccupé que pour se trouver confronté aux émeutes
de 1936-1939. En 1948, ses occupants obstinés trouvèrent la mort dans la
guerre d'indépendance. Etzion Bloc fut repris par l'armée israélienne le 7
juin 1967 et, quelques mois plus tard, le kibboutz Kfar-Etzion était investi
par les enfants de certains des kibboutzniks d'origine. Aujourd'hui, Etzion
Bloc est aux yeux de nombreux Israéliens le symbole de la persévérance des
colons juifs face à un environnement hostile. Depuis Kfar-Etzion, l'autoroute vous ramène
directement à Jérusalem, après un trajet de 14 km environ. |
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A. gauche, de jeunes vendeurs de Poteries à Gaza,. à droite, la
cité de Khan Younis. |
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LA BANDE
DE GAZA |
La bande sablonneuse de Gaza (6 km de large sur 45 km de long)
commence à la rivière Shikma au nord et s'étire jusqu'à la frontière égyptienne,
à Rafa. Appartenant à la Fédération maritime des philistins, elle fut jadis
le cadre de la rencontre entre l'illustre Samson et l'ensorcelante Dalila,
qui mena ce dernier à sa perte. C'est ici qu'il fut conduit lorsqu'il finit par
être capturé, après avoir livré de nombreuses batailles. «
Meure ma
per sonne avec les Philistins », supplia-t-ille Seigneur, tandis que ses vainqueurs célé braient leur victoire. « Puis il se raidit avec force,. et le temple
s'effondra sur les satrapes et sur tout le peuple qui s'y trouvait »
(Juges 16, 17-30). Selon la tradition arabe, Samson est enterré dans la
ville même de Gaza, sous la grande mosquée, un édifice construit par les
croisés en 1150 et transformé en mosquée par les Mamelouks. Depuis l'époque
de Samson, Gaza a accueilli les musulmans, les croisés, les Turcs, les
Britanniques et même les soldats de Napoléon. |
Gaza aujourd'hui |
Vingt pour cent environ des sept cent mille Arabes palestiniens qui
furent chassés par les combats, avant et après 1948, ont échoué à Gaza.
C'est parmi eux que le président égyptien Nasser recruta les premiers fedayin
et encouragea les actions terroristes contre le nouvel État israélien.
Israël répliqua en 1956 par la campagne du Sinaï. Et, en 1967, l'État hébreu
arracha le territoire à l'Égypte et, avec lui, ses habitants. Avant de s'y rendre, il est
important de s'informer des derniers événements politiques. Il n'y a pas
grand-chose à voir, sur le plan touristique, mais la vie urbaine est en
elle-même une attraction. Des femmes arabes en longue robe noire, avec un
panier en équilibre sur la tête, déambulent dans les rues et dans les camps,
croisant des enfants en uniforme d'écolier. Les quartiers animés de la ville
regorgent de commerces proposant toutes sortes d'articles: des vêtements de
coton (le mot « gaze» vient de Gaza, qui était |
LA BANDE DE GAZA 249 |
réputée pour la finesse de ses cotons), des poteries en terre cuite
(une spécialité locale), et des montagnes de couvertures et de tapis en poil
de chameau. Il fallut attendre 1994 pour que
Gaza accède à l'autonomie, constituant ainsi le premier des territoires occupés,
avec Jéricho, à bénéficier des accords de paix, connus sous l'appellation «
Gaza-Jéricho d'abord », signés le 4 mai au Caire. Mais les perspectives
d'avenir pour cette bande de terre misérable ne sont pas devenues moins
sombres, en dépit du formidable enthousiasme de ses habitants et des promesses
d'investissements des organisations internationales. Depuis près de quarante ans, les réfugiés
vivent dans des camps de l'agence humanitaire des Nations unies, construits
pour un usage provisoire, et bien que 90 % des foyers disposent de l'électricité,
les conditions matérielles demeurent précaires. Quelque 60 % (ou plus) des
huit cent mille résidents sont au chômage. Tout cela constitue un terrain
fertile pour l'organisation du Hamas, rival de l'OLP, dans le contrôle de la
région. |