25 - pêle-mêle
graphologie Flânant sur les Boulevards, en 1938, je feuillette chez Gibert un bouquin de graphologie. J'essaie le truc sur des potes: ça colle, de mieux en mieux, l'expérience aidant.. Hélas, au front, ayant dit pis que pendre d'une graphie, le "client", mon meilleur copain, convaincu de n'être qu'une merde, frisa le suicide. Fais gaffe, ce jeu est dangereux. La gourrance est de règle, en graphologie, où il faut "se mettre à la place" du scripteur. Pas question de deviner l'âge ou le sexe. Juste les supputer. A Toulouse, de 49 à 53, je pioche les bouquins des papes de la graphologie, Crépieux-Jamin et André Lecerf. A force de travail, mes résultats furent souvent considérés comme très exacts, voire diaboliques. Echaudé, je refusais tout "client" proche du demandeur (et le demandeur) et surtout tout paiement. Il est impossible de faire un travail à la fois objectif et intéressé. Va dire à ton client qu'il est un crétin sadique ! Je n'ai jamais "analysé" un membre de la famille: prudence et discrétion. Des charlatans décident de l'avenir d'un postulant à un emploi. Ils seraient vite démasqués par des tests faciles. Pas plus qu'un chien ne peut comprendre un singe, un médiocre ne peut "pénétrer" un homme de talent, matheux, toubib, musicien ou peintre, sauf exceptions, quelles que soient ses techniques. Il est aisé d'analyser un écrit, sauf d'un esprit supérieur au vôtre: un ignare peut-il comprendre Euler ? Entre temps, ma future puis réelle épouse, tandis que je vendais microscopes ou dessinais pompes, enseignait fillettes. Avec succès, si j'en juge aux cadeaux offerts à longueur d'année. Indice éloquent: même lorsque, directrice, elle ne fit plus la classe, elle reçut des chocolats de fin novembre à mi-mars ! Donc, un soir, je lui décrivis, cahiers en main, chaque élève. Estomaquée. L'enfance de l'art, car les mouflets sont moins retors que les adultes. Du coup, à chaque rentrée, elle me montrait leurs cahiers. S'il est grave, surtout au début, de brusquer des fillettes fragiles ou maladives, il faut surtout se méfier de sournoises, hypocrites, agitées et autres fout-la-merde, sans parler des brutes et "forces de la nature", rares alors chez les filles. Me trompant peu, je permis de démasquer quelques petites visiblement mal traitées par leurs parents. Une écriture terrorisée, ça existe. Un soir, j'eus droit au récit des exploits d'une élève de la classe voisine, fainéante, menteuse, voleuse, chipant les clefs des copines pour les jeter à l'égout. Irrécupérable, quoi. Un hasard l'avait mise en sa classe pour quelques jours. - Fais voir son cahier. Ben, ça, alors, regarde ! L'écriture est normale et équilibrée, mais la signature des parents est un vrai repoussoir: la mère est vicieuse et sournoise, le père une brute. Ça saute aux yeux, même d'un amateur". Petite enquête. L'assistante sociale apprit que la pauvre, parfois bousculée sans douceur, était enfermée tous les soirs dans le noir dès 6 heures, à peine ses devoirs finis. Elle alla faire la morale à ce PDG qui avait épousé sa secrétaire, menaça de prison, sussurant qu'en taule, les bourreaux d'enfants passaient souvent de très sales quarts d'heure. La "petite peste" en fut transformée, à la surprise générale. En dehors de ce cas dont je suis très fier, mes talents servirent surtout à ma fille, l'aidant à tirer un pauvre boy neurasthénique de ses idées noires, (et mieux comprendre ses supérieurs hiérarchiques) scènes de ménage Notre petite famille marche sur une base très simple: respect mutuel. Pas de coups, pas de scènes. Un matin, invité au Vautron, notre "datcha", André me dit avec conviction: - Chez vous, c'est ta femme qui porte la culotte. - Comment peux-tu dire ça, alors que tu viens, il y a cinq minutes; d'assister à une discussion. Jacqueline m'a proposé d'aller à Rebais. J'ai répondu en lui faisant objections et suggestions, on les a examinées, on s'est mis d'accord. Qui portait la culotte ? (remarque je serais nettement moins positif que l'auteur quand aux résultats pour sa descendance, lire la première page du site) - Ah ! Première fois que je vois ça, un couple sans scène de ménage. - T'en fais pas, si on devait se battre, ce serait sur un sujet sérieux, comme la façon de cuire les œufs durs, ou si ma tendre épouse m'infligeait un régime amaigrissant. Là, y aurait du sang sur les murs. Mais tant qu'elle a le dos tourné, je te confie un secret: Elle a un défaut: elle est bien trop gentille et tolérante. Ça la perdra." Je me trompais. Elle vécut tout de même de rudes moments, directrice d'école.. Surtout depuis le sinistre "Interdit d'interdire" que nous applaudissions en mai 68 et aboutit, fort logiquement, à la dictature des nullards et la barbarie actuelle, dont nos démagogues ne savent plus se dépêtrer. naturalisé Non, ne vous réjouissez pas, je n'ai pas été empaillé. J'avais à maintes reprises demandé ma naturalisation, chaque fois rejetée. Jusqu'à l'épisode des flics tentant de me chasser de mon boulot, qui m'avait empli d'amertume. Peu après, m'arrive la revue de la France Libre, avec un appel (vibrant, bien sûr) à régler nos cotisations. J'envoie donc la mienne, avec un petit mot pour dire que j'étais fier d'être Français Libre, mais que je le serais plus encore d'être Français tout court. Convoqué au siège, alors square du Champ de Mars, devant un quarteron de généraux, je conte mes tribulations de 1940 à ce jour de 1967. Au fur et à mesure de mon récit, je vis que ces messieurs semblaient me croire. Et parfois s'indigner. Peu après, "invité" à la PP, la Préfecture, que mon frangin avait contribué à libérer. Bureau minable sous les combles, décor à la Simenon, pour films en noir et blanc. Le flic attaque d'emblée: - Oui, vous avez de beaux états de service, mais tout ça, c'est parce qu'étant Juif, vous auriez fait n'importe quoi pour combattre Hitler, sous n'importe quel uniforme.." Merci, flic inconnu ! Je me fous à rigoler, à me marrer, à me poiler. Il me zyeute, interloqué. - Vous vous fichez de moi ?" J'avais revu Jeanne Hachette, Jeanne d'Arc, Bayard, Villon, Rabelais, Molière, Vallès, ma nourrice, copains et copines, l'Ile de France, la Ferté, l'école Guynemer, les assauts vers l'inconnu dans le matin glacial.. De ma France, dont j'ai tant aimé paysages et surtout braves gens, cette phrase cynique faisait un décor, un désert peuplé de flics, de lâches et de pétainistes. - Vous venez de me rappeler mon séjour en Espagne. J'aurais pu facilement m'engager dans l'armée anglaise, polonaise ou américaine, dans l'Armée Rouge même... - Oh, Franco n'avait aucune relation avec l'URSS.... - Vous croyez qu'au camp, tous ces Tchèques qui ne savaient pas que Prague était leur capitale étaient nés en Bohême ? J'aurais pu, encore plus facilement, rester apatride et continuer à m'enfiler des paellas (prononcez: pahéyass) jusqu'à la fin de la guerre. J'en connais même qui se sont fait naturaliser espagnols ! Et croyez-moi, c'était la bonne vie. La seule chose que je ne pouvais pas, parce que le chef des Français à Madrid, le colonel Durand, était, paraît-il, espion allemand, c'est entrer dans l'armée française. Il a fallu que mon père trouve un député français pour nous pistonner. Oui, Monsieur, la seule fois où nous avons eu recours au piston, c'est pour avoir le droit de mourir pour la France sous l'uniforme français. Aujourd'hui, c'est la seconde." Un mois ou deux plus tard, convoqué à l'Etat-civil de ma mairie du 18e. Vous imaginez la réception, Mossieu le Maire en personne venu pieds nus, en chemise et à genoux donner l'accolade au nouveau citoyen, le remercier d'avoir franchi tant de frontières et de chausse-trapes administratifs. Eh bien, c'est pas comme ça que ça c'est passé. Pas tout à fait. Sans un mot, me laissant poiroter devant son guichet, un petit chauve à moustaches remplit fiches sur fiches, papiers sur papiers. Au bout de dix bonnes minutes, il me les tend avec un demi-sourire vachard. - Voilà, tel jour, telle heure, telle caserne. Vu votre âge, vous serez peinard..." J'étale mes cartes de combattant, combattant volontaire, résistant, interné, évadé. - Moi, j'veux ben, vous croyez que c'est vraiment nécessaire ? - Fallait me le dire, vous m'avez laissé travailler pour rien. Tout est fichu ! - Vous ne m'avez rien demandé ! Soyons juste. Naturaliser seulement en 68 un Hancien de 39/45, un FFL, Combattant de Première Ligne, Bachelier, Fournisseur de l'Harmée, c'est Hinvraisemblable. Ainsi, arrivé en France à deux ans, je devins, à 44 ans, "de fraîche date". J'aurais dû m'inscrire au livre des records. Inutile de dire que toutes les carrières qui m'avaient été refusées, c'était cuit, alors que je voulais faire de la recherche en chimie. J'y ai gagné, la France aussi, car bien des diplômés se planquent dans un boulot peinard, où, souvent, ce qu'ils ont appris ne sert srictement à rien. Le moindre bureau de poste grouille de diplômés. A quoi sert leur science ? Seuls, les hors-la-loi, hors-la-nomenklatura comme nous, allions barboter, nolens, volens, dans les eaux agitées de l'industrie privée, créant les richesses qui paient émoluments, traitements et honoraires. Chez Guiot, à mon arrivée, sur 400 employés, cadres et ouvriers, DEUX bacheliers (philo): Le PDG et moi. Là, pourtant, ça manquait rudement et ça aurait bien servi ! le Vautron Notre premier-né est né au forceps, dans une de ces cliniques écloses pour faucher le fric de la Sécu, responsables probables de millions de dingues, mal foutus et autres "papillons bleus" qui font la fortune d'autres usines à fric. Vous qui mendiez pour la recherche, c'est là qu'il a foutu le camp, le fruit de la sueur des travailleurs. Les pontes de la Sécu avaient déclaré la guerre aux sages-femmes, trop médiévales à leur gré, comme aux généralistes: Parce qu'en usine, un spécialiste est supérieur aux autres ouvriers, ils crurent qu'un médecin spécialiste, c'était la première classe, et une sage-femme, un genre de sorcière néolithique. Bon, le môme eut de la chance, nous aussi: il s'en sortit avec juste un caractère un peu triste et, disons, peu diplomate. Intelligent, créatif, chic type. Une simple césarienne aurait évité ça, mais le gynéco en était-il capable ? Notre deuxième, née en province avec sage-femme, s'en tira bien mieux.
Un toubib conseilla la campagne. Que faire ? On n'était pas riches. On nous fit visiter taudis, granges écroulées, cabanes à lapin. Laids, tristes, chers, vétustes, lointains. On commençait à désespérer. Un jeudi, rentrant du boulot, mon épouse me dit: "Ça y est, j'ai trouvé, pas trop loin, pas trop cher et dans un coin assez bien." On déchantait, ce matin d'hiver où l'agent immobilier débutant nous fit visiter. Chemin boueux. Pas d'eau courante ni même de puits. Une seule lampe électrique en tout et pour tout, murs ruisselants d'humidité. Une famille avait vécu là, certainement pas dans l'opulence et l'oisiveté. Nous sûmes, longtemps après, que certains voisins avaient un peu triché sur les bornes et que des parcelles avaient été vendues, sinon bradées. Mais ça valait largement les 900 000 anciens francs demandés (9 000 "nouveaux", 1350 écus 1962, 1 350 € de 2005, c'était juste au moment du changement, vers 1961) On emprunta à l'oncle Henry. L'oncle Charles, venu voir, décréta: "Revendez tout de suite" et nous fourgua tout un bric-à-brac, poêle à pétrole, éviers, portes, récupéré de ses expériences d'éleveur de volailles en Gâtinais et de "bistrot-casse-croûte à toute heure" à Fismes (Aisne). Ce qui nous rendit bougrement service, car on était sans un et je n'y connaissais rien en bricolage et jardinage. Les voisins, j'en parlerai plus tard. La famille, elle, fut largement exploitée, aussi bien l'oncle Charles, mes frangins Jacques et André, même Papa lorsqu'il revint du Maroc, que le cousin Geo de Jacqueline, le seul qui sache nous montrer comment faire du ciment, gâcher du plâtre, poser un papier peint, peindre un mur, bêcher un coin de jardin. Sans oublier Nicolas, son gendre, très ferré sur ces questions. On fit d'énormes erreurs, que je regrette aujourd'hui, on s'en tira tant bien que mal, malgré l'eau qu'il fallait chercher loin, à la fontaine (la voisine avait un puits à deux pas, mais nous le refusait). Dès qu'on le pouvait, on prenait la 2CV et trois heures plus tard, on arrivait, à 82 kilomètres de Notre-Dame, en plein 19e siècle. Les gosses, eux, étaient au paradis. Ils eurent des copains et firent des tas de bêtises. Ils l'aimaient tant, le Vautron, qu'ils ne manquaient jamais, lorsqu'on roulait vers la Vendée ou autres provinces lointaines, de gémir: "C'est encore loin, le Vautron ?" Petit à petit, on progressa. On fut beaucoup aidés et conseillés par la "brave" voisine, sans comprendre pourquoi bien des voisins l'évitaient. Vous avez lu Manon des sources de Pagnol ? Ce fut pareil: elle nous rendait des tas de petits services, nous l'adorions comme une mère et cela dura vingt ans. Que Dieu lui pardonne, s'il existe, mais elle mourut dans la solitude et le remords, car elle nous avait non seulement bernés, mais mis souvent en péril de mort, par pure saloperie. Je ne veux pas en parler plus, ça me démolit. Je tentai quelques expériences jardinières. Une brochure d'un Monsieur Pain expliquait qu'on pouvait composter plus vite en trempant les pluches au moins 48 heures. Epluchures, mauvaises herbes et tontes de gazon vont donc au compost, aucun autre engrais, sauf les cendres des "ligneux" et des os qu'on brûle pour leur précieux phosphore. A peu près seuls du village, dont les eaux usées vont empoisonner notre pauvre "ru du Nau", puis le Petit Morin, nous n'avons pas de "tout au Morin": chez nous, tout va au puisard, facile à colmater si on envoie tous les déchets dedans ou qu'on emploie les "produits courants" du commerce. Savon et Saint-Marc, rien d'autre. Seule difficulté: quand les invitées veulent faire la vaisselle, ou se doucher, on doit tout leur expliquer, à leur indignation lorsqu'on leur interdit leurs "spécial douches" chers et polluants. Grâce à quoi, jamais eu de colmatage. Quant aux normes "fosses septiques", elles exigent des surfaces supérieures à notre petit bout de terrain. Touchons du bois et remercions Monsieur Léger, le maçon qui nous installa ce puisard vraiment écologique. Toujours est-il que nos petites récoltes bricolées sont moches d'aspect, mais délicieuses. Je crois même, salutaires. C'est peut-être faux, mais quel plaisir de manger ses radis, navets ou pommes ! Nos fraises, ce sont les mêmes plants depuis 30 ans, souvent envahis de mauvaises herbes, qui nous donnent de délicieuses et abondantes récoltes. Qui comparera l'effet de "nos" légumes à ceux du "tout-chimie" ?
boulot Dès 1956 j'ai parcouru la France. Pas comme on croit. Le client d'abord. Ni flâneries, ni monuments, ni auberges renommées. Mes clients Jouan, labos industriels ou biologiques, étant souvent près des centres-ville, je pouvais au moins jeter un coup d'œil. Les clients Dzus: zones industrielles, banlieues usinières. Rarement chic. Par chance, le réseau auto-routier n'existant pas, on pouvait rouler à l'ombre. Qui disparut vite. Je n'ai rien contre le progrès, si le mot veut dire "amélioration". Pas à celui-là. Si j'avais filmé ça, vous verriez des banlieues hideuses au lieu de vergers et jardins, de vénérables témoins du passé abattus. Abattus, beaux bâtiments et grands arbres, massacrés paysages... L'Ile-de-France, jadis si poétique, avec ses parcs, ses rosiers, ses villages et ses bois, je l'ai vue, en moins de 30 ans, transformée en un bric-à-brac à rendre fou un malade mental, si "criminogène" que, lorsque j'y allais, j'hésitais entre suicide, dégueulis ou assassinat des édiles, architectes, aménageurs et promoteurs. Vous, lepénistes qui râlez contre les immigrés, feriez sans doute pire, parqués dans ces cités-dépotoirs. Il n'y a pas d'effets sans causes. Renault, Peugeot, Citroën, Bouygues, ont "importé", à nos frais, ces Africains, pourquoi ne paient-ils pas leurs dégâts ? Le pire, en 43/44, j'ai lu des articles où étaient décrits très exactement les effets néfastes des grands ensembles, des allocations de salaire unique, etc.. Mais c'était dans Stars and Stripes, le journal de l'armée US. Si nous, Français moyens, avons des excuses, les politiciens, nos dirigeants, n'ont pas le droit de dire "j'savais pas". Revenons à mes tournées. Il y a un dieu pour les incapables. Je me revois parlant trop, trop vite, n'écoutant pas, ne comprenant pas les sous-entendus, ne sachant inviter, plaisanter, détendre la conversation, ni trouver l'argument convaincant. Une chance que mes bidules étaient bons et presque sans concurrents, sinon, je serais mort de faim. Il est de bon ton de haïr les commerçants (et les flics). Mais s'ils disparaissaient, quelle panique ! Un commerce qui meurt, c'est au moins trois chômeurs de plus. Encore faut-il que les vendeurs sachent leur métier. (Et puissent le faire) Or, j'étais nul. Fier de tout ce que j'avais ingurgité en classe: français, maths, etc.., je ne savais ni faire la cour aux filles, ni l'article au client. Par bonheur, mes connaissances techniques m'ont parfois sauvé la mise et j'ai tout de même fait progresser le chiffre d'affaires au point d'être, dixit le dirigeant mondial de la firme, le meilleur vendeur de Dzus sur la planète, donc de l'Univers. Pour un temps. Un régime amaigrissant m'envoya à l'hosto, en 74. L'hémorragie interne qui faillit me tuer eut lieu au Vautron. Sylvain, qui venait juste de passer son permis, me sauva, m'amenant en vitesse à l'hôpital Bichat, l'ancien Bichat, où on ne s'ennuyait pas, où l'on s'entr'aidait, surtout pour appeler l'infirmière de nuit en cas de pépin, dans les salles communes. J'ai déprimé dans une chambre individuelle. Seule critique: le boucan infernal du périph, à quelques mètres des vieux bâtiments. Tandis que je glandais à l'hosto, trois mois en observation, on embaucha Daniel Com, un jeune. Je guéris et constatai vite qu'il était compétent, gai, sachant plaisanter, bon organisateur et commerçant. La coqueluche des cadres, collègues et clients. Et du beau sexe. Et lui savait vendre. Bien mieux que moi. Autre jeune, Gilles Altersitz arriva de la planche à dessin,. Ayant toujours râlé contre les nullards pistonnés qui empêchent les petits jeunes pleins de talent de faire leurs preuves, l'occasion était trop belle. Après quelques accrochages et malentendus au début, je les considérai comme mes amis, meilleurs que moi sur bien des points. Gilles est très bien aussi, mais un cran au-dessous, disait-on. Moi, je n'ai pas de mètre pour mesurer les compétences. Ils étaient extra tous les deux, chacun à sa façon. Guiot commença d'additionner erreurs sur conneries. Rompre avec les USA, s'informatiser sans préparation, construire une usine-filiale dans l'Aisne, où les "compétents" furent introuvables, virer le chef d'atelier très compétent pour avoir objecté... La CGT s'en mêla. A contre-temps. Comme si elle était complice du PDG saboteur. Dzus-France était (mal) géré par Guiot. On divorça. Accessoirement, déménageant les archives, on découvrit des "salariés Dzus" qui gagnaient plus que nous et qu'on ne vit jamais. Et que Dzus a longtemps maintenu Guiot à flots. Revenons à notre mini-usine Dzus. Trouver un emplacement, l'aménager, déménager machines et stocks, puis, le plus dur, payer rubis sur l'ongle les fournisseurs méfiants après avoir embauché, au pif, une comptable elle aussi débutante, qui fit merveille. Jamais je ne l'aurais pu. Ce fut dur, mais succès total. Peut-être qu'ailleurs, dans une grosse boîte, ils auraient végété à un poste subalterne. Ici, ils montrèrent ce qu'ils valaient. Dernières années de boulot. J'avais débuté dans la banlieue industrielle de Casa, puis au centre de Toulouse, ensuite aux Buttes-Chaumont, à St Germain des Près, à la porte des Ternes. Passage à Rueil, puis Aubervilliers. Ma "carrière" erratique s'acheva au Blanc-Mesnil, non loin du Bourget. La Dzus formait une petite famille active et efficace, j'y jouais les grands-papas un peu gâteux, mais la mémoire de la boîte. Il faudrait un autre bouquin pour ces beaux jours de notre indépendance. Car, libérés des entraves de nos ex-protecteurs, les résultats s'améliorèrent au point que d'ex-collègues vinrent voir si, par hasard...
et le sexe ?
A ma grande honte, ma vie sexuelle réelle n'a rien d'exaltant, si je la compare à mes rêvasseries libidineuses, où je supplantais sans peine tous les Casanova, Don Juan et autres Sade. Je ne fus ni violé, ni violeur, j'ai connu quelques filles, quelques putes, quelques orgasmes partagés, mais rien d'inoubliable, sauf avec ma plus charmante partenaire, ne sois pas jalouse, Jacqueline, c'est ma foutue drogue, ma machine à écrire, remplacée maintenant par un ordinateur portable qui me la fait parfois regretter. A côté d'elle, ces petites affaires de culs et de tripes, ces épopées entre deux draps ou sur un bidet, c'est pas mal, ça aide à passer le temps, mais reconnaissez que ça manque d'imprévu, en général, qu'on s'en fait tout un monde lorsqu'on est puceau et qu'on finit par constater que tout ça finalement, manque assez de fantaisie. L'ordinateur, c'est plus varié.
d'une ordure à l'autre Giscard, malgré l'affaire des diamants de Bokassa, semblait assez correct. Mais lorsque Brejnev envahit l'Afghanistan, avec les conséquences qu'on subit encore à présent, il fut le premier à briser sa "mise en quarantaine" pour aller à Moscou quémander du gaz pour nos industries. Un jour, son ministre Barre inventa le contrat de solidarité, les "anciens" partant avant l'âge de la retraite s'ils étaient remplacés par un jeune. Ce fut une réussite: Du jour au lendemain, des tas de cadres expérimentés -mais coûteux- furent remplacés par des débutants plus ou moins valables. Résultat: boîtes qui ferment à la suite de gourrances, centaines de milliers de chômeurs en plus. D'où l'arrivée de Mitterrand, qui prouva qu'après plus de trente ans dans l'opposition, personne au P.S. ne semblait avoir défini un programme cohérent. De conneries démagogiques en stupidités économiques, on vit la Gauche frôler la catastrophe. Par chance, la droite était trop occupée à se tirer dans les pattes. J'ai fini, bien longtemps après, par comprendre que ce Mitterrand, jadis porteur de la francique à Pétain, qui jusqu'à la fin fréquenta des ordures genre Bousquet, aida manifestement Le Pen, et dont les mensonges, les écoutes téléphoniques comme l'attitude envers les Juifs n'avaient rien de très clair, c'était le même qui, ministre de l'Intérieur pendant la guerre d'Algérie fit guillotiner le cheminot Yveton et proclama que la France allait "de Dunkerque à Tamanrasset". Un sous-marin fasciste ! Entre la taupe trotskyste Jospin et le pétainiste Mitterrand, tous les dirigeants socialistes actuels qui continuent à taire cette évidence me sont suspects. Comme leurs alliés "Verts" (de gris ?) dont l'écologie n'a rien d'évident. (et dont certains ont affiché d'étranges propos "anti-sionistes") Et les Français ? Si cons qu'ils avalent tout sans moufter. Je m'aperçois que je ne vous ai parlé ni de mes amis, ni de ma famille, ni de mes aventures en vacances ou en tournées, ni de la chorale où je fus basse. Ça ne vous manque pas trop ? C'est pas une autobiographie, mais un curriculum vitæ. Mais cela a-t'il vraiment un intérêt ? Il y a ainsi, dans des millions de placards, des tonnes de photos, films, vidéos, oubliés à peine rangés. Je vous en fais grâce. Ah, j'ai tout de même parlé des chats. Papa est mort à l'hôpital Bichat, la veille de ses 102 ans. Tous pensent qu'il y fut très mal soigné: Un vieillard, ça ne compte plus. Il est enterré à Sablonnières, et j'ai chanté, en suivant son cercueil, la Marche funèbre soviétique.. Mais doucement, pour moi seul. Non, je ne vous lègue ni châteaux, ni louis d'or. Je vous conseille juste de voter pour le candidat qui proposera; Réouverture des bordels, mais municipaux; drogues (alcool, essence, sucre et tabac compris) en vente libre, mais avec carte à puce personnelle d'usager permettant de connaître les consommations, basant des primes d'assurance. Suppression des allocs pour absentéisme ou mauvais travail scolaire, délinquance. Triplement du prix du gas-oil et du super, doublement de l'essence ordinaire. Suppression des allocs et avantages fiscaux au-delà du 2e môme, écoles spéciales pour jeunes délinquants, avec élevage et jardinage obligatoires, apprentissages variés, mais aussi musique, dessin, histoire, (y compris l'histoire des religions), puériculture: Ce qui devrait exister pour tous les mômes. Traitement psychiatrique de tous les tordus. Aide aux méritants, selon d'autres critères que les simples résultats scolaires (actes civiques, par exemple). Freinet réhabilité. Avec mea culpa public des mandarins. J'arrête, car j'ai déjà dépassé la dose. Il y en avait pour les "familles soi-disant monoparentales à un parent éjecté" et pour les "Lepènistes au teint bronzé", racketteurs, taggeurs, gueulards, qui sont certainement payés par racistes et islamistes pour leur faire gagner des voix, ou alors, c'est qu'on est trop cons pour le leur expliquer. Mais convenez que tout cela ne servirait à rien, le mal est bien trop profond. Comme aux temps héroïques d'Ambroise Paré, un seul remède subsiste, pour l'Humanité tout entière; l'amputation du membre gangrené, vous vous doutez duquel: le viril. Heureusement, on peut stériliser aujourd'hui sans douleur, sans même que l'intéressé s'en doute, Sans exceptions ? Là, j'hésite, mais sur quels critères ? Santé, QI, Bonté ? Si vous connaissez un candidat avec un tel programme, une solution vraiment finale, dîtes-le moi.
croissance ? On ne lit que ce mot. J'ai déjà démontré qu'un taux continu de croissance, même minable, 2 %, entraînerait rapidement une surexploitation de la planète, sauf en réduisant drastiquement la population actuelle. La démonstration est à la disposition de qui m'interrogera. Avec quel mètre la mesure-t'on, cette croissance ? Je suppose que les comptables nationaux se basent soit sur l'impôt sur le revenu, soit sur la TVA. Mais l'exemple italien prouve qu'une bonne part de l'activité et donc de la prospérité échappe à ces critères, comme du reste l'auto-suffisance des jardins familiaux et du bricolage. En outre, un facteur majeur, l'éducation familiale, n'est pas pris en compte, alors que tout se joue là. Faisons un rêve: Comment les statisticiens évalueraient-ils le village de mes fantasmes ? Les techniques d'aujourd'hui autorisent, avec des produits qu'on trouve couramment, de l'équiper avec surgélateurs permettant aux surproductions de tous d'être réparties, échangées ou mises en réserve, avec un "digesteur" où les ordures compostables mélangées aux fumiers produiront engrais, chaleur, énergie grâce au méthane, ce gaz de fumier. Les diodes LED, éclairant à faible consommation, alimentées par panneaux photo-voltaïques, généralisées. Un ordinateur central puissant permettrait aux consoles particulières de travailler ensemble ou isolément. Les transports ? Vélo, bien sûr, gazogènes, chevaux, bateaux… Auto et avion pour urgences seulement. J'abrège. La vie serait certes moins facile qu'aujourd'hui, mais tant qu'à choisir entre le monde actuel, avec ses pollutions, ses incertitudes, sa précarité permanente, et une vie pleine et sans souci du lendemain.. Mais à certaines conditions: Tous s'entr'aident bénévolement, nul ne cherche à nuire à son voisin. Malades, infirmes, névrosés, enfants, caractériels, tire-au-flanc, délinquants et autres handicapés handicapants pas trop nombreux, on éviterait surtout de les produire et tous seraient traités correctement, soignés, punis ou éduqués selon le cas. Expulsion ou élimination uniquement en cas limites. Vous devinez la réponse: Fantasmeville serait classée tout au bas de l'échelle des PIB, niveau de vie équivalent à Togo, Haïti ou Mauritanie.
Paris, 25 mai 1997, 31 mars 2001, 23 février 2005
H G fin de 25 - pêle-mêle
|