2- en guise de préface

Le texte qui suit date des alentours de 1980. Longtemps aux oubliettes lorsqu'en 1997, mon ami, ex-subordonné puis ex-patron Daniel Corn, gai-luron, mi-Perceval, mi-Panurge, défenseur de la veuve et de l'orphelin, me dit que j'avais ému une bonne dizaine de personnes à mon insu. Pour lui faire plaisir, je le réécrivis: 1998: Le jour même où, le texte achevé, je m'apprêtais à lui téléphoner, il m'appela: peu de jours après m'avoir parlé: un grave accident le laisse infirme à vie. Quelle saloperie, l'existence !

 

 

couverture, titre, prénoms

 

* Le vent d'autan souffle à Toulouse - Les mountagnoss (montanhas) ce sont les Pyrénéoss - Le drapeau du haut, c'est le gôlliste, drolle, et en dessous, celui du pays sans frontières, ni futur, le pays des "tsores" (ennuis en yiddish) et des pogroms, Yiddishland, suivi à droite du drapeau espagnol franquiste et du fanion polonais- A l'extrême-gauche, le torchon nazi et celui de ses larbins pétainistes

* Les oncles Henry, Achille et Charles, mes frères André et Jacques, les cousins Maurice et Hélène pour l'état-civil, à. leur naissance, furent: Hershl, Yekhiel, Karel, Khaïm, Isaac, Moïse, X?. Moi, je fus Hirsh. C'est plus compliqué: Hershl devint Henry parce que les prénoms commencent par la même lettre, mais pourquoi Hirsh (cerf) ? Parce que le cerf symbolise Nephtali (l'une des 12 tribus) Donc Henry = Hirsh = Nephtali. Pourquoi ces "modifs" ? Parce que le rêve de tout persécuté est de ressembler à tout le monde. Bien des Ahmed deviennent John. Je n'ose dire que ce fut une réussite. Plutôt l'inverse.

* Nous sommes tous racistes, préférant (ou exécrant) épagneuls à caniches, Houdan à Leghorn, Percherons à Boulonnais. Il s'agit d'animaux, car plus la science progresse, plus elle constate que de l'Australien au Japonais, nous faisons tous partie d'une seule et unique "race", la plus malfaisante d'ailleurs. Critères de supériorité valables: altruisme, bonté, probité, tolérance. L'ethnie "supérieure" serait alors les Hottentots, qui, dit-on, ignoraient meurtre, vol et mensonge, avant qu'on ne vienne les "civiliser". Anti-raciste conséquent, je rêve de supprimer notre sale race humaine, non par la force, mais par la raison: le Mal n'est pas dans la couleur de la peau, mais dans les têtes.

* La France Libre m'envoie (10/3/96) une plaquette numérotée pour commémorer nos faits d'armes. Outre qu'à ma honte, mes seuls faits d'armes furent - sans combat - la pose du drapeau français à Breil sur Roya, dernière ville libérée à l'est de la France et la capture de la dernière position boche de France-Est, je constate que mon exemplaire est le N°370, alors que je suis le # 7276 #, Cela veut-il dire que 6906 de mes prédécesseurs seraient morts ? Faut que je me dépêche, alors...

En tous cas, cette tentative de biographie montre que les "grands acteurs de l'Histoire" Tzar, Hitler, Staline et tous les autres, démocrates en peau de chacal ou petits dictateurs en pure merde naturelle, généraux de salon et politiciens aveugles n'étaient pas seuls coupables. N'oublions pas !

 

 

digressions préliminaires

Après tout, c'est bien ma faute, avoir cru qu'un jour, sans démarches ni intrigues, simplement parce qu'il y a des décennies que c'aurait dû être... Parmi les quelque 500 000 professeurs, chercheurs et savants que nourrit notre chère patrie, c'est à dire vous et moi, il aurait suffi d'un seul, un historien, à la rigueur un étudiant, un journaliste, harnaché de cassettes, de micros et de magnétophones. Il sonne à la porte de mon père, ou mon frère, ou mon cousin, ou mes trois oncles, ou la mienne (ou à celle d'un des 50 000 à tout casser que l'on peut appeler "Français Libres"), il toussote, se présente, s'assied et:

- V'là, j'suis envoyé par la fondation pour l'histoire contemporaine, oh, pardon, La Fondation Pour l'Histoire Contemporaine pour interroger tous les Français Anciens Combattants par tranche d'âge, en commençant par les plus âgés..." Là, j'aurais coupé, sarcastique:

- Je vois, pasque les étrangers, les immigrés, z'avaient juste le droit de mourir au front, marner, payer leurs impôts et la boucler, n'est-ce pas ?

- Bien sûr que non, cher Monsieur, mais les crédits ridicules qui nous sont impartis... faudra archiver, informatiser, collationner, comparer, ce qui permettra, lorsque dans 50 ans les archives pourront être consultées, d'en extraire des données sur toutes sortes de..." Cette fois, j'aurais souri d'un air "narcotique" (comme disait un copain) et lui montrant les arbres morts du jardin:

 

 

- Serait-ce que vous espérez survivre mieux que ces plantes à toutes les saloperies qu'il nous faut ingérer par tous les orifices ?" Il aurait jeté hargneusement; "Moi, mon boulot, c'est vous sortir les vers du nez, c'est moi qui pose les questions et vous parlez sans arrêt. Les arbres, j'y connais rien, j'suis pas xénologue, les étrangers, j'les ignore et j'suis poli. Si c'est ça, au revoir, M'sieu, ou plutôt, adieu..."

Qu'est-ce que j'aurais pleuré... Avoir attendu ce type là en rouspétant près de 50 ans et le vexer juste quand il vient réaliser mon rêve fou... Encore heureux qu'on soit en France, où ça risque pas d'arriver, puisque pour être électeur, académicien ou légionnaire d'honneur même, faut des démarches (sauf pour aller en taule ou être saqué, là, ça va sans formalités excessives) Comme ça, y aura rien d'officiel, je pourrai tricher, oublier des dates ou des faits gênants, ou en rajouter un peu, juste un tout petit peu, revenir en arrière, commenter, digresser (ben oui, quoi, faire une digression, comment ça se dit ?)

Même rigoler un peu entre copains, mais ça, c'est pas sûr.

Ce que je crains, c'est le complexe de Rashomôn, ce vieux film japonais: Une dame noble voyageant avec son mari dans la montagne, est attaquée par un brigand qui la viole et tue son mari. Selon elle, malgré son héroïsme, elle a dû céder à l'ignoble ravisseur. Le bandit arrêté avoue qu'elle était bien contente et le mari un lâche. Des prêtres interrogent les mânes de l'époux: Il a lutté vaillamcnt mais fut trahi par sa chienne d'épouse. Le juge qui conte l'histoire ne sait que penser. Un bûcheron raconte qu'il a tout vu, que bandit et mari se sont comportés tous deux en lâches, la femme en vraie salope. Un des auditeurs confirme ... et précise qu'il a vu le bûcheron dépouiller le mari mort...

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Souvent, les fonctionnaires sont les meilleurs complices du crime. Ah, retraite, que de saloperies on commit en ton nom ! Bravo à ceux qui refusèrent. Honte à ceux qui firent du zèle. Vous voyez à quoi je veux en venir: Si l'Histoire ne résulte pas de complots tramés dans l'ombre par Francs-maçons, Jésuites, Marxistes et bien sûr Juifs, ce fantasme de complots influence toute l'Histoire (cf Léon Poliakov: la causalité diabolique - Calmann-Lévy 1980)

Quand des intellos, écrivains, journalistes, publicitaires ont instillé dans quelques têtes que "c'est la faute" au gras, au sucre, aux fourreurs, aux cyclistes, au tabac ou au Juif, qu'ils nous font croire qu'on ne peut vivre sans yaourts, sans déodorants, sans Dieu ou sans slips kangourou, là, il y a complot, peut-être involontaire, mais ce n'est pas sûr. Ça peut réduire à la misère des pays entiers: où sont passés les trappeurs, tanneurs, fourreurs, éleveurs de visons ? Bon, je stoppe.

A vous ces souvenirs, copains d'école et d'armée, braves instituteurs, ceux et celles qui ont aidé, qui ont aimé, qui ont osé agir sans haine ni préjugés et qui pour toute gloire n'ont que la satisfaction d'avoir fait ce qu'il fallait. A vous aussi, mes bons amis les livres, Villon, Rabelais, Chrétien de Troyes, Voltaire, Beyle, Jules Verne, Lessing, Bernat de Ventadorn, Proust, Tolstoï, Cervantes, Schiller, Saadi, Omar Khayyam ... sans qui je ne serais que moi-même, peu de chose.

A vous, les morts, qu'ils soient ou non de ma famille ou mon ethnie, martyrs de l'inépuisable saloperie humaine, et plus encore de sa crédulité.

Elevé par la "laïque", frotté à bien des mondes, j'écrirai au fil de mes impulsions, sous la nette influence de mes bons maîtres, Rabelais et Cavanna, sans parler de Jehan Rictus, car les pignoufs snobs qui s'extasient sur le génie de Céline oublient Rictus (Gabriel Randon de Saint-Amand) qui faisait bien mieux vers 1900, que ce salaud imita (mal). Peut-être trouverez-vous que je saute du coq à l'âne, mais les "archives de ma mémoire" sont plutôt en pagaille, comme dans les rêves.

Ne vous offusquez pas de rencontrer occitan, espagnol, yiddish, breton, anglais, russe ou autres langues, plus ou moins déformés par mes oreilles malhabiles. Si des trucs vous semblent charabia, c'est notre privilège d'autodidactes, soyez compréhensifs. Et si ça vous déplaît, je vous approuve. Les mots, c'est sacré.

Le fascisme triture les mots, les fait mentir et tromper. Ça finit par les goulags et les camps d'extermination. Insultes ou escroqueries commencent par des mots truqués.

La civilisation, c'est le respect des autres, des plus faibles. Tout le reste en découle.

La barbarie est d'abord mensonge.

 fin de 2- en guise de préface