22 - fermetures magiques

Un soir, rue Gauthey, Frey, un élève du cours, se leva, "Les pompes Guiot cherchent un dessinateur d'exécution". Salaire: les 3/4 de ce que je gagnais chez Jouan. Mon épouse y consentit, sous réserve: "En cas d'échec, tu retournes à tes si chers microscopes". Ainsi, juste quand finit la IVe République, De Gaulle forma son gouvernement et je devins dessineux.

Mai 1958. Mon boulot, personne n'en voulait: redessiner un catalogue pour les Dzus. Les Dzus, espèce de gros rivet dont l'extrémité, fendue par une rampe hélicoïdale, se referme sur un ressort en forme de S. Un peu l'inverse de l'ampoule électrique à baïonnette sur sa douille (servit-elle de modèle ?). Ces bidules, inventés vers 1930 par un Ukrainien émigré aux USA avaient deux qualités: s'ouvrant et se fermant en un quart de tour, donc rapidement, ils résistaient surtout aux pires vibrations.

Lorsqu'on voulut remplacer la toile cousue sur les aéroplanes, les tôles de dural (alliage d'alu) pouvaient se river solidement. Mais pour les capots moteurs, pièces à démonter souvent, rien ne tenait, vis, loquets, targettes, grenouillères: les vibrations cassaient tout. Mr Dzus, Ukrainien émigré aux States, avait, pour éviter de se casser le poignet en démarrant les bagnoles de l'époque, inventé une manivelle à dents de loup basée sur la fameuse rampe hélicoïdale. Ruiné par le démarreur électrique, il trouve un job: balayeur d'une usine d'avions. Pour perfectionner son anglais, il écoutait parler les gens: Qui s'inquiète d'un balayeur ? Entendant les ingénieurs maudire ces fucking fermetures de capot moteur, il adapte sa "dent de loup", bricole un modèle, fonce en bleu de travail chez un réputé agent de brevets.

- Je vous embauche" dit-il, en lui donnant son gadget.

- O.K" répond l'agent de brevets après avoir joué avec le proto bricolé. Grâce à lui, il fit fortune et fut sans doute le seul inventeur américain mort propriétaire de sa création. (Aux USA, rares sont les inventeurs qui n'ont pas été pillés ou grugés. En France, c'est pire).

Je l'affirme: sans ces dzus, l'aviation "moderne" en dural n'aurait pu exister. Même la conquête de l'espace.Vers 1937, Pierre Cot, ministre du Front Popu, pour équiper les zincs français de ces merveilles, chargea un ex-forgeron qui avait fait fortune en copiant des pompes d'autos américaines, de les copier. On acheta les machines. Le père Guiot, qui méprisait ingénieurs et "bicornes", les remonta en faisant une toute petite erreur, grâce à quoi, les pièces sortaient à une cadence lamentable. A tel point que c'est une des causes majeures de notre défaite en 40: Des centaines de Dewoitine D-520, ceux que ma mère perçait pour les "dzouss" dans son usine de Colomiers, sagement rangés, loin des combats, en attente des indispensables "attaches Guiot". Si elles avaient été fournies à temps... qui sait, on aurait pu leur casser la gueule, car le D-520 surclassait les zincs chleuhs, c'est Galland, leur "as", qui l'a écrit.

Toujours est-il qu'en arrivant, les Boches adoptèrent illico ces trucs sur leurs avions. Hélas, la production déjà faible ralentit encore. Sans doute par hasard et qu'en temps de pénurie, on ne peut avoir de bons aciers, les incassables bidules cassaient comme verre, en plein vol de préférence. Vers 1978, au Bourget, je vantais la solidité de mes trucs: Aucun n'avait cassé accidentellement depuis 20 ans que j'en fabriquais, 3 à 400 000 par an. "Comment, s'indigna mon interlocuteur, ex-pilote nazi, si vous saviez combien de nos zincs se sont vomis à cause de ces saletés fragiles !"

Mon premier catalogue, condensé à partir de l'existant, n'avait qu'un léger défaut: les clients n'y comprenaient rien. Trop fidèle, trop complet, il abondait en détails superflus.. Heureusement, un abaque élémentaire pour faciliter le choix me valut un certain prestige. Avec les années, les 30 pages se réduisirent à 8, les milliers de pièces et les centaines de variétés à une poignée. Les clients désireux de trucs complexes disparurent, chiffre d'affaires et bénefs ne s'en portèrent que mieux. A force de simplifier, ma planche à dessin servit de moins en moins.

Peu de gens soupçonnent que la prospérité repose sur des facteurs "négligeables": épaisseur de neige, hauteur des pluies, probité de tous, y compris élus, juges et flics, compétence et conscience de patrons, dessineux, vendeurs, toubibs, instits, banquiers, etc.. Peu figurent en statistiques, moins encore dans les gouvernements: nos dirigeants, issus d'une petite nomenklatura, ignorent souvent tout des réalités qu'ils administrent. Pourtant, bien des produits qui nous ont fait sortir du néolithique, (depuis Waterloo, grosso modo) sont nés sur la paillasse des labos et la planche à dessin. C'est là qu'on calcule, prévoit, conçoit, invente les millions de petits zinzins qui permettent aux trains de rouler, aux ventilos de tourner, aux stylos-billes d'écrire, aux revolvers de tirer.. J'en ai déjà parlé. A présent, si la modeste planche à dessin a trouvé un successeur prestigieux, l'ordinateur, la CAO, le principe reste le même:

Un support sur lequel aboutit le résultat de calculs, hypothèses ou supputations, avec tous les renseignements utiles sur les dimensions, matériaux, états de surface, etc... Qu'on trace un plan sur sable, parchemin, mur, calque, écran ou CD, il faut toujours une surface plane où convergent les données. Les artisans marocains gravent leurs plateaux d'arabesques sans la moindre esquisse, comme les artistes qui d'un trait évoquent paysages ou silhouettes, mais l'industrie mourrait avec ces trop habiles procédés.

Monsieur Marye, le chef du BE (bureau d'études) avait deux grands principes:

- Ne pas faire soi-même ce qu'un autre peut faire mieux que vous, fût-il votre inférieur hiérarchique.

- Toujours réfléchir, surtout avant de classer un document: Une étude mal archivée, c'est comme si elle n'existe pas. Lorsqu'un client demande un plan, plus vite il l'aura, plus on aura de chances d'avoir la commande. Les CD-rom n'existaient pas encore.

Je dessinais juste, mais mal. J'écrivais comme un sabot, chantais (faux) toute la journée au point d'abrutir mes auditeurs forcés, avais tout à apprendre. Lorsqu'Andrieux, mon prof de dessin de Toulouse, nous enseignait en 1940, élévation, plan et profil, je croyais que ce boulot, c'était rien que relever des cotes pour dessiner un objet existant, afin de le copier. Pas du tout. On vous dit: "Faut un filtre, ou une pompe, tel encombrement, tel débit, démerdez-vous". Et de piocher dans la doc, les catalogues pour trouver les vis, joints ou membranes fabriqués par les uns ou les autres, les implanter en tenant compte de toutes les sujétions, vérifier qu'ils existent toujours, dessiner les éléments isolés puis montés.

Mes notions d'anglais, physique et maths, me rendirent indispensable, là où les collègues merdoyaient. Par exemple, pour une pompe à forte pression, ils employaient des membranes à grand diamètre et se plantaient. Alors que chacun sait depuis Pascal que pour une même force, plus la surface est faible, plus grande est la pression. Vérifiez avec une aiguille sur la peau. Je dessinai donc une mini-pompe à grande course, ce qui ne fut pas si facile. Grand succès, après 20 ans d'échecs renouvelés !

Autre triomphe: mes fonderies au sable ou par injection n'eurent jamais besoin de modif (modifications): Seul à lire l'anglais, j'utilisais les judicieux conseils d'un livre américain. A l'époque, il fallait travailler 6 mois dans une boîte, puis changer: ainsi, l'on prenait de l'expérience et du grade. Je réussis quelques jolis coups: calcul des leviers de pompe, de moments d'inertie, l'abaque dont je viens de parler, qui m'assurèrent un certain prestige. Aussi, tous les 6 mois, j'offrais ma démission pour me perfectionner ailleurs, et j'y gagnais un échelon, arrivant à Petites Etudes, Etudes I, Etudes II.

Dans le matériel labo, j'avais constaté des manques de formation des clients ou des collègues, qui avec beaucoup de mérite, faisaient malgré tout des prodiges. Dans l'industrie, aussi bien chez Thomson que Jouan ou Guiot, hormis pour matériel de guerre, l'essentiel du boulot était fait par des sous-fifres sous-payés, non-ingénieurs, souvent issus de l'atelier. Qui donnaient satisfaction 99 fois sur 100, mais faisaient parfois d'énormes bourdes par ignorance de maths, physique, chimie, ou anglais, (castor oil, c'est bien de l'huile, mais pas de castor, de ricin) Les rares ingénieurs que j'ai vus n'étaient jamais derrière la planche. Sur leur bureau bien net, un téléphone. Derrière, photo d'un yacht ou de skieurs.

Dans la plupart des boîtes, je n'ai vu aucun ingénieur (à moins qu'ils n'aient été trop modestes pour me le dire) derrière la planche à dessin. Sauf un, en Lorraine. Je raconte à ce client-dessineux qu'on a dressé une statue à un polytechnicien pour avoir glissé sur du cambouis, devenant le premier depuis 50 ans à en avoir sur les mains. Avec mon pot coutumier, mon auditeur était polytechnicien, et mes commandes devinrent égales à eiP-1= 0

Dois-je raconter l'histoire de ces carters de pompes qu'on perçait religieusement d'un petit trou. Le père Guiot, l'ex-forgeron, découvrant ce trou incongru, calcula qu'il coûtait trop cher et le fit supprimer. Il dût payer de fortes indemnités: Ses pompes, (copiées sur des modèles américains) fonctionnaient grâce à la pression atmosphérique. Sauf si, personne ne connaissant ce truc-là, on supprimait l'arrivée d'air. Je n'ose continuer.

Les petites améliorations que je suggérais sans presque y prendre garde évitèrent la fermeture de la Dzus, mieux, gonflèrent les bénéfices. Un jour, attaqué à tort sur une grosse boulette, je fournis au PDG un résumé de mes innovations, avec dates et détails. Il fut scandalisé: Elles avaient été brevetées ou assumées par des "cadres" supérieurs qui s'étaient bien gardés de dire d'où elles venaient.

Exemple: Nos pompes à membrane avaient un rendement lamentable, car un phénomène hydrodynamique, le "coup de bélier", absorbait les 3/4 du débit théorique. Marye m'expédia faire des mesures à l'atelier d'Aubervilliers sur une pompe à essence inefficace, mais munie de filtres.

 

La pompe comportait une énorme cloche amovible et inutile. Lassé de relever des débits minables, je chipe un vieux gant de caoutchouc, y découpe une rondelle et clippe ma cloche dessus. Miracle, le débit passe de 20 à 75 1itres / heure ! (puis s'effondre: le caoutchouc avait fondu) Joie au BE. Je dessine illico un proto avec cloche et membrane. Hélas, un détail avait dû m'échapper, débit à peine plus fort, 5 à 6 %. Marye, intrigué, réfléchit. Eurêka ! En enfonçant ma cloche sur la bague de centrage, j'avais comprimé l'air enfermé qui tendait la membrane, alors que sur le proto, la cloche posée à plat gardait la même pression. Un nouveau prototype le confirma: on éliminait le "coup de bélier" ! On fit des recherches, nul brevet antérieur n'existait au monde. Le brevet fut pris, mais au nom de Marye ! Il le méritait, certes, mais j'en conçus une certaine amertume.

J'allais passer Projeteur I, sous-ingénieur, lorsque Le Brouster, le représentant Dzus, mourut d'un atroce cancer. J'étais convaincu, alors, que les BE sont le rouage essentiel de la société, et les commerçants, des mercantis. Connaissant ma haine de la bagnole et du commerce, on cherchait ailleurs. Peut-être pour compenser la petite perfidie de ce brevet qui n'aurait pu exister sans moi, Marye plaida pour que j'aie le poste (et m'éloigne du BE) promettant de me reprendre en cas d'échec.

Depuis, je les admire et les respecte, les commerçants, ces mercantis méprisés. Pendant les années de famine de l'Occupation, on enviait les salauds d'épiciers, ces repus qui nous vendaient à prix d'or pain, beurre ou viandes du marché noir. Qu'on était cons ! Rouage essentiel, ils essaient de gagner leur vie en répondant aux exigences et aux besoins de deux ennemis: fournisseurs et clients. Sans eux. il n'y aurait aucun emploi, (sans clients, que feriez-vous, patrons, de vos productions ? Sans commerçants, clients, comment mangeriez-vous ?) Autre rôle, ignoré de tous, eux compris: le rôle social. Regardez autour de vous: moins il y a de petits commerces, plus il y a de crimes et suicides. Lorsque mes gosses revenaient de l'école, l'épicier savait bien nous dire s'ils avaient fait le zouave devant son étal. En Suède, faute d'avoir à qui parler, les clients des grandes surfaces se suicident plus que ceux des épiceries ! Même un inepte voit qu'un quartier sans petits commerces meurt et verse dans la délinquance. (Pire avec grandes surfaces) Sauf nos énarques, qui "animent" nos banlieues avec "espaces verts ludiques" et "Gogos-ramas", si propices à racket, vol, viol et agressions. Tant qu'on ne l'aura pas pigé, on gaspillera notre fric pour un résultat sinistre.

Bien après ma retraite, j'ai tenté de retrouver l'aventure des Radhanites, ces commerçants ignorés de tous, mes ancêtres de la Route de la Soie. 25 ans, remaniant sans cesse au fil de mes recherches. Sans me vanter, ce que j'ai trouvé (pas inventé) chamboule pas mal l'histoire telle que je l'ai apprise et les rares amis qui l'ont lu m'ont dit qu'ils comprenaient enfin ce qui s'était passé de l'Antiquité jusqu'aux Croisades. Et Braudel. En effet, non-historien, géographe, autant dire hérétique, Fernand Braudel eut l'audace de comprendre que l'histoire d'un pays ne s'arrête jamais à ses frontières: C'est comme une usine: Elle est à Brive (19), son siège à Paris, ses Bureaux d'Etude au Plessis (92), ses clients et fournisseurs dans le monde entier, ses actionnaires à New-York ou Romorantin (45), sa banque à Londres. Si Brive ferme, il y aura peut-être chômage, faillites à Leeds ou Lannion.

Exemple: L'or et les guerres des rois de France dépendaient de Gênes et Venise, car depuis l'expulsion des Juifs, le Trésor royal était souvent à sec. (ça, c'est pas de Braudel, car pour avoir négligé les Juifs, il n'a lui-même pas vu que la plus belle démonstration de sa théorie était la Route, juive, de la Soie). Moralité: les commerçants sont indispensables et ceux qui les méprisent, des idiots (moi compris)

Mauvais vendeur, je détestais faire du commerce. Et ne sais toujours pas vendre.. Je suivis des cours du soir au syndicat des VRP, hésitai longtemps à me décider, puis, voyant les commandes décliner, me lançai. Oy, vey mir ! (en yiddish: O, pauvre de moi !) Je fis erreurs sur conneries, perdis des clients, me démoralisai. Peu à peu, je commençai à redresser la barre, appris qu'un bon vendeur parle assez peu, mais écoute beaucoup. Heureusement, les problèmes de mes clients, leurs suggestions et les miennes provoquèrent de multiples améliorations. On put simplifier la documentation, la fabrication, le magasinage, où l'on pesa les milliers de petites pièces jadis comptées une à une, le catalogue, où j'introduisis des catégories simples à choisir et garanties toujours en stock, plus faciles à installer. Et surtout, tenir parole, ne rien promettre, surtout un délai, mensongèrement. Le chiffre d'affaires bondit, car bien des clients de la concurrence apprécièrent qu'on écoute leurs griefs et qu'on tente d'y remédier. Mais il y avait un obstacle de taille: la plupart de mes clients travaillaient pour l'Armée. A chaque visite, à l'entrée des boîtes, on prenait ma carte de "résident temporaire" entre pouce et index pour téléphoner à "la Sécurité". J'eus même l'humiliation de ne pouvoir entrer à Sud-Aviation, ex-Dewoitine où j'avais fait mes premières armes ! Ça ne pouvait durer.

Un matin, mon PDG, Monsieur Maillat m'appelle dans son bureau. Il avait eu la visite de deux flics lui demandant de me virer.

- Pourquoi ? Il a volé, tué, espionné ?

- Non, nous avons eu beau le surveiller et lui tendre des pièges, il est trop austère pour un bon représentant, ne boit pas et ne voit pas les filles, c'est suspect....

- Alors, que lui reprochez-vous ? Vous savez qu'il donne des conseils de montage pour un matériel où une erreur peut provoquer une catastrophe. J'espère que vous allez me proposer quelqu'un d'aussi compétent, (ça, c'est ce qu'il m'a raconté. Il a dû rajouter: "et qui accepte d'être si peu payé avec la même compétence") Si un zinc se crashe parce qu'un Dzus lâche en vol, pourrez-vous en prendre la responsabilité ? Signez-moi un papier. Donc, vous ne voulez pas de lui. Qu'a-t'il donc fait ?

- Il a milité pour l'indépendance du Maroc.

- Le Maroc ? Il n'est pas indépendant ?

- Oui, mais...

- En somme, il a eu raison avant le gouvernement. Il m'a expliqué qu'il voulait une indépendance dans l'amitié avec le Maroc, et un bon traité. Si on l'avait écouté, on y serait encore, là-bas, mais en amis et conseillers, non en ex-oppresseurs. Mais vous devriez le décorer au lieu de l'emmerder, ce petit... Commencez par une carte de résident privilégié, (valable dix ans et non un an) il la mérite bien, il a combattu en première ligne alors qu'il n'y avait pas grand monde pour le faire, sa mère et sa sœur ont été livrées aux Boches par vos collègues, ça ne suffit pas ? C'est honteux, ce que vous faîtes, c'est anti-français." Un mois plus tard j'eus ma carte. Merci, Monsieur Maillat.

Bon. Ainsi, mes petites inventions m'arrachèrent à ma toujours regrettée planche à dessin. Mais vous devez être fatigués de ces histoires sans intrigues, sans drames passionnels, sans même une petite coucherie extra-conjugale ! Faudra vous y faire, et pour compenser, je vous parlerai de choses en dehors du boulot: ma naturalisation, mes expériences de graphologue scolaire et mon dada, l'Histoire. Tiens, j'en ai marre de vous raconter mes souvenirs. Pour changer, voici une de mes rêvasseries:

 

 

Noyés sous nos ordures ?

C'est ce qui va bientôt nous arriver. J'en avais rêvé en 1941, lisant dans "La Science et la Vie" des articles sur le "gaz de fumier" capable de faire tourner les tracteurs. I1 y a un hic: les ordures sont en vrac, mélangeant pêle-mêle des déchets qui ne peuvent plus être valorisés. Et produisant un gaz de composition fort variable. Or, une firme française a enfin trouvé (1999) le moyen non seulement de récupérer le "gaz d'ordures", méthane très impur, mais d'en stabiliser la composition, permettant son emploi sans trop d'ennuis. Perspectives infinies. Puisque ce problème semble réglé, on peut imaginer la suite logique:

Chaque foyer reçoit des sacs plastiques: à pois pour pluches, rouge pour métal, beige pour céramique, blanc pur pour verre blanc, brun pour papier, noir pour cartons, bleu pour piles, etc... Ou simplement avec "PLUCHES" ou "X" marqué dessus. Ouh la la, c'est compliqué, tout ça, et cher, ousque tu vas trouver des gars pour faire ce tri ? Où ? Mais chez toi, mon cher, car sur ces sacs, que ton maire te fournira, tu colles ton code-barre, basé sur ton numéro de sécu: Au centre de tri, on saura que tu as fourni tant de sacs de boîtes à conserves pesant tant de kilos, et ainsi de suite. Ta taxe d'ordures, que tu soies locataire, proprio, en villa ou HLM sera d'autant plus basse, et juste. D'autant que tes ordures triées, récupérées, viendront en déduction, générale, ou même individualisée, de ladite taxe. Augmentée, à l'inverse, pour les contrevenants à ordures en vrac ou non triées.

Ne dîtes pas: Mais, ça coûterait une fortune... D'abord, le tri, mieux tu le fais, moins tu paies d'impôts. Ça aide à faire gaffe. Ensuite, la pesée: le camion d'ordures les vide sur un tapis dont les capteurs pèsent, identifient et aiguillent chaque sac, sans autre intervention humaine que dégager les sacs erronés ou mal fermés et les ordures qui s'en échappent. En outre, tes sacs à pois fabriqueront non seulement du bon compost, mais aussi du gaz de fumier, source d'énergie presque gratuite, qui peut chauffer les immeubles, alimenter ta gazinière, mouvoir tracteur ou bagnole ! Plus besoin de voler leur pétrole aux Arabes et leur gaz aux Tchétchènes, d'enrichir les mafias d'Esso ou de Poutine !

D'autant que sans être expert, des études affirment que ce gaz ô combien biologique est produit de toutes façons, mais se perd dans l'atmosphère qu'il pollue. L'effet de serre lui doit beaucoup, paraît-il.

Même les pets des vaches seraient ultra-méthanisés.

En outre, des calculs approximatifs, basés sur une production rationnelle avec immeubles spécialement aménagés et un climat assez doux (chance pour l'Afrique: plus il fait chaud, mieux ça vaut) concluent à l'autonomie énergétique totale, même un surplus pour la synthèse de matières plastiques ! Mais là, les égouts seraient à repenser, pour mieux utiliser la bonne vieille merde, si méprisée, et qui pourtant nous nourrit, comme vous le savez. En effet, les pédologues (ils étudient les sols, pas les mômes) vous diront que ce que nous appelons "terre agricole fertile" n'est rien d'autre que du bon caca de ver de terre, à 99 % !

 

Je suis persuadé qu'avec l'explosion démographique qui cancérise la planète, on sera bientôt forcés d'en arriver là, volens, nolens. Ainsi, en combinant énergie solaire, éolienne, hydraulique, marémotrice et utilisant le gaz de fumier, l'air redeviendra respirable et la vie meilleure, pour la terre entière, sauf les industries et les actionnaires d'atome, pétrole et charbon. Là-dessus, je vais me coucher en rêvant d'usines de recyclage intégral, cadavres inclus.

Pasque vous le savez sans doute, la fertile terre de France manque désespérément de phosphore, qui abonde dans les os, et est indispensable à la fonction chlorophyllienne. Or, en France, on a toujours gaspillé ces os, sous-utilisés, et la fertilité naturelle n'a jamais cessé de diminuer, en grande partie pour ça.

Tiens c'est vrai, cette histoire de "farines animales" maudites qu'on incinère, moi, je suis sûr qu'on pourrait, au lieu de les incorporer au ciment, utiliser les cendres comme engrais, ça m'étonneraît qu'on retrouve des prions dans nos choux-fleurs ou nos salades.

Pourquoi qu'on n'essaie pas ? Elles sont encore nocives, incinérées ?

Pasque du phosphore, elles en contiennent pas qu'un peu. Vous me direz qu'une fois incinérées, le phosphore reste, mais avouez que ça ressemble fort à de la connerie.

fin de 22 - fermetures magiques